Procureur du roi
Dorante, cher ami, on vous accuse, vous !
D’un duel malheureux à l’issue d’un Rotrou.

Dorante
Ai-je la mine triste à regarder cela ?
Je veux bien accepter qu’à mon dam on m’octroie
Le titre d’assassin ou celui de bandit,
Mais qu’on m’ose accuser d’être de ses amis,
D’aller pour le plaisir, coupable spectateur,
Voir un méchant spectacle et de méchants acteurs,
C’est poignarder au cœur mon sens de l’esthétique.
Qu’on me pende séant pour ce crime artistique !

Procureur du roi
L’affaire est trop sérieuse et vous deviser d’art !
Mais dites-moi plutôt où vous étiez hier soir.

Dorante
Si c’est hier au soir qu’un crime fut commis,
Je n’en suis pas l’auteur. J’étais chez un ami,
Un bourgeois ridicule, assuré d’être noble,
Et qui malgré son air repoussant et ignoble,
Courtisait Dorimène, depuis ce soir ma femme.

Procureur du roi
Vous avez donc poussé jusqu’au bout votre flamme ?

Dorante
Oui, j’ai mis à son doigt la plus douce des bagues
En jouant au barbon une bien bonne blague.
Déguisement, mensonge, audace et turquerie ;
Si vous saviez, mon cher, comme nous avons ri !
L’idiot reste un idiot ; les amoureux s’unissent :
Jupiter ne sort pas un bourgeois de sa cuisse !

Procureur du roi
A la bonne heure, ami, vous n’êtes pas coupable !
J’irai voir ce monsieur pour partager sa table.

Dorante
Sa bourse est plus garnie que ne sont ses chaussons :
Mangez à tous ses plats, faites des provisions.


Cette pièce à mon sens est une vraie pépite. Tout y marche en humour, c’est une réussite. Il est vrai que l’histoire est longue à démarrer, que deux actes entiers ne savent la lancer, qu’elle a même à l’époque un goût de déjà-vu, grammaire bien classique, éprouvée et connue, mais la sauce prend bien et l’on rit de bon cœur d’un bourgeois pathétique et qu’on laisse en erreur. Que demander de plus dans une comédie ?
Le reste est en bonus. L’objectif accompli, le dramaturge peut orner de fioritures, de longues réflexions sur l’humaine nature, d’une histoire poussée ou d’envolées lyriques ou bien développer tout un discours critique.
Le Bourgeois gentilhomme a bien moins d’ambition et joue son petit plus sur une unique option : des spectacles de danse à la fin de chaque acte, sauts de chats, pas chassés, pirouettes et contacts, et qui ne sortent pas un temps le spectateur du récit qui l’occupe en soulignant les mœurs de ce très cher Jourdain, toujours à contre-temps, aimable ridicule, idiot de quarante ans.
Il porte à lui seul tout le poids de la pièce. Si Jourdain est raté, adieu à toute liesse. Un caractère fort, classique et mémorable car plus bouffon encor que ne sont ses semblables.

Froidmont - Laon - 33 ans - 26 juin 2023

sur les préjugés et les situations établies.
Aujourd'hui , cela nous semble normal et nos humoristes le pratiquent au quotidien ; mais à cette époque , Molière est un défricheur et il ose ce que la bonne société ne veut remettre en question .
Chapeau bas Mr Molière .
Cette oeuvre est un petit bijou .

Frunny - PARIS - 59 ans - 16 juin 2010

Je ne suis pas une inconditionnelle des classiques car j'en ai pas lu beaucoup mais celui-ci je l'ai apprécié. En général avec Molière je ris pas mal. Je trouve ses oeuvres agréables à lire.

Lalie2548 - - 39 ans - 7 mai 2010

Monsieur Jourdain, drapier des plus communs, veut se donner de grands airs en se faisant siens les usages et goûts de la noblesse. Il décide ainsi de s'adjoindre les services de différents maîtres afin d'apprendre musique, danse, armes et philosophie.
Le pauvre entêté ne fait que singer assez bêtement ces disciplines mais son naturel bien fruste reprend vite le dessus. Abusé, flatté pour son argent, la compagnie qui se rend chez ce triste sire s'amuse de trouver un si beau pigeon.
Ne voulant pas marier sa fille Lucile à Cléonte sous prétexte que ce dernier n'a pas de titre de noblesse, Monsieur Jourdain va se ridiculiser en se laissant abuser par un Turc qui saura lui dire ce qu'il aime à entendre. Cléonte, grimé en ce fameux Turc, va convaincre très facilement Monsieur Jourdain de lui donner la main de sa fille et parvenir par malice à déjouer les disgrâces d'un homme qui se faisait passer ce qu'il n'était pas. La morale est sauve.

Mon avis: Molière ridiculise encore un homme dont les défauts et la nature le rendent aveugle; il en profite par là-même pour railler philosophes, danseurs, musiciens qui se donnent plus d'importance qu'ils n'en ont à ses yeux. Une très belle comédie encore dont on ne se lasse pas de découvrir ou relire.

Oxymore - Nantes - 52 ans - 11 janvier 2008

Sainte-Beuve a dit à propos de Molière que "l'aimer vraiment c'est avoir une garantie de soi contre bien des défauts, bien des travers et des vices d'esprit."
En effet, chaque pièce de Molière (ou presque) dénonce un vice bien précis; dans "Le bourgeois gentilhomme", il s'agit de la vanité et de l'ambition, dont M. Jourdain est la réincarnation parfaite.

Et c'est dans une ambiance délurée et festive, où comédie, musique et danse sont savamment mêlées, que l'on s'amuse de la bêtise du protagoniste, ainsi que de dialogues particulièrement savoureux.

Si vous ne connaissez pas Molière; lisez "Le bourgeois gentilhomme": je trouve, pour ma part, que c'est une pièce qui donne une très bonne image de l'ensemble de l'oeuvre dramaturgique de l'auteur (personnage principal monomaniaque, critique cachée derrière le rire, fin heureuse, et ainsi de suite).

Matthias1992 - - 32 ans - 9 septembre 2007

Aimant bien Molière et ayant lu la pièce à l'école et aimant aussi Jean-Marie Bigard, je me suis jeté sur le DVD sans réfléchir. C'est vrai qu'au premier abord Bigard jouant du Molière, certains crieraient au scandale, surtout que la mise en scène est contemporaine (les danseurs sont des rappeurs, les musiciens des gothiques) et le texte respecté à la virgule, ce qui crée un drôle de contraste.

Eh bien pourtant ça fonctionne, Bigard fait bien du Molière et endosse le rôle à la perfection et les autres acteurs le secondent à merveille.

Bref un spectacle qui prouve que Molière non seulement traverse bien les différentes époques et reste d'actualité.

Killeur.extreme - Genève - 42 ans - 18 février 2007