Budapest
de Chico Buarque

critiqué par THYSBE, le 17 mai 2005
( - 67 ans)


La note:  étoiles
Dis moi ce que tu lis, je te dirais qui tu es…
Brésilien, écrivain et musicien Budapest est son troisième roman.

Ce livre m’a été offert par une jeune amie que j’aime beaucoup et avec qui, quand l’occasion se trouve (nous habitons loin l’une de l’autre) nous aimons parler de nos lectures.
C’est donc avec beaucoup d’empressement que je me suis plongée dans ce livre.
Une fois tournée la dernière page je ne savais quoi dire de mes émotions. Je n’arrivais même pas à les interpréter en bien ou en mal (allo Dr Jekyll ?).
Je laissais là de côté la critique à faire, d’autant plus qu’un départ pour St Malo aux Etonnant Voyageurs avec son festival du livre était prévu pour le lendemain. Valises obligent…
Mais quoi qu’il en soit, cette façon d’écrire ne m’était pas inconnue. Ce style très actuel, électrique qui nous emmène dans des labyrinthes sur fond éthylique, ou l’image vacille. Un kaléidoscope d’émotion, de scène, de pensé, d’amour et de sentiment projeté sans prévenir à l’état brut. Oui, vraiment, tout ça me dit quelque chose.
Et là, tilt ! Je suis dans le stand des éditeurs à St Malo. Richard Boringer s’attelle à la dédicace de son dernier livre : l’ultime conviction du désir. Je m’arrête et profite qu’il n’y a pas grand monde pour jouir pleinement de cet artiste que j’apprécie. Je jette, un œil curieux à son installation, et que vois-je ? Le livre de Chico Buarque posé sur sa table avec son paquet de kleenex. Et là j’ai compris où j’avais déjà lu ce style d’écriture ; c’était dans son premier livre : C’est beau une ville la nuit. J’ai trouvé alors tellement évident que R.B. lise Budapest de Chico Buarque.
Voici pour la petite histoire.
Quand au thème de ce livre, il s’agit d’un homme qui est comme on les nomme « nègre » dans une maison d’édition. Mais lui préfère parler de sous traitance, car il ne sait plus qui est qui et qui écrit dans toute cette histoire.
Lors d’un voyage professionnel, il se retrouve dérouté à Budapest pour une escale imprévue. Ville inconnue, langue inconnue, il décide de s’initier à cet idiome Magyar. Il a une liaison avec sa prof de Hongrois pendant que sa femme Vanda, superbe présentatrice du journal télévisé est partie à Londres et leur enfant resté à Paris avec la nounou.
Chico Buarque nous promène de Budapest à Paris par effet de flash back, qui déstabilise et insiste sur la fragilité identitaire de José Corta.
A force d’écrire pour tous ces hommes célèbres, littéraires, politiques, il en perd son identité, il n’est pas reconnu pour ce qu’il est, et il est reconnu pour ce qu’il n’est pas.
En tant que musicien, je dirais qu’il fait ces gammes, que l’on doit sans cesse se concentrer pour remettre à leur place toutes ces notes sorties de son esprit.
José Costa devient peu à peu spectateur de sa vie.
Statut d'écrivain 8 étoiles

José Costa est un anti-héros. Son existence est ennuyeuse. Son entourage est formé d’une épouse vedette de la télévision, donc distante, d’un fils obèse, Joaquinzinho, auquel il a du mal à s’intéresser, d’un ami et associé, Alvaro de l’Agence Culturelle Cunha & Costa, qui ne pense qu’au business. Nègre, il doit œuvrer secrètement. Il produit des articles,des discours, des autobiographies…Personne ne sait qu’il écrit divinement bien. Le vrai sujet du roman est l’apprentissage d’une langue et donc les processus d’identification culturelle qui en résultent. C’est aussi un roman sur l’amour et la fidélité entre pays d’origine et terre d’occasion. Sur le corps et ses images dans d’autres cultures. Sur les processus de création culturelle et notamment en littérature puisque le personnage principal est écrivain anonyme. Ce voyage sera émaillé de rencontres inattendues, de réflexions sur bien des thèmes et particulièrement sur la littérature d’emprunt. La Budapest de Buarque est complètement imaginaire. Elle est plus un contre-modèle exotique de Rio de Janeiro qu'une ville d'Europe centrale. S'il a consulté cartes et dictionnaires, il ne faut pas chercher de description réaliste de la capitale hongroise dans ce roman. D'ailleurs, pour qui connaît ne serait-ce qu'un minimum la ville, il y a beaucoup d’incohérences géographiques et orthographiques. Ce n’est pas un livre en décors naturels. Budapest n’existe ici que comme anti-thèse. Des nuits de Rio ne nous parviennent que des ambiances tardives d’appartements éclairés au téléviseur. Aucun folklore. Le dénouement - attendu mais bien mené - du roman voit une dernière fois se brouiller les cartes de ce jeu décidément captivant par sa dimension récréative et appelant à la réflexion. José Costa revient à Budapest où il est devenu un écrivain célèbre pour avoir écrit un ouvrage…qu’il n’a pas écrit !

Bachy - - 61 ans - 16 septembre 2005