Sans merci
de Renate Dorrestein

critiqué par Sahkti, le 17 mai 2005
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Que vaut la vie?
Phinus et Franka, les parents de Jem doivent apprendre à survivre à la mort de leur fils, seize ans, tué par un autre adolescent.
Alors que Phinus est de plus en plus aveuglé par le désir de vengeance, Franka s'enfonce dans les méandres de la déprime. Leur couple n'y survit pas.

Dans ce texte, j'ai été touchée par la justesse des descriptions des sentiments éprouvés. De Renate Dorrestein, j'avais lu "Vice cachés", il y a trois ans, qui abordait tout en pudeur et en douceur la question de l'inceste. Ici, elle parle de mort, de deuil impossible à faire, de déchirures.
Le portrait de Phinus est remarquable. Son obsession est de faire condamner l'assassin de son fils. A travers cette idée fixe et rongeante (ça le détruit complètement), j'y vois la trace de sa propre culpabilité, le moyen pour lui de la gérer (elle lui fait si mal). Culpabilité car c'est lui qui a proposé à Jem de se rendre dans cette boîte de nuit mortelle avec sa petite amie. Il s'en veut et cela se traduit par une rage et une colère sourde, Phinus est prêt à tuer pour venger son fils mais également commencer son deuil.
Renate Dorrestein possède un réel talent pour raconter la nature humaine et ce qui la compose, elle excelle dans l'art d'aborder ces événements de la vie qui provoquent les déclics mettant à jour des sentiments et des comportements longtemps enfouis. La mort de Jem fait éclater ce couple en apparence parfait et qui pourtant se lézardait depuis longtemps. La lente destruction qui s'opère après le départ de leur fils les pousse à s'opposer, à se vider de leur amertume, ça ne se fera pas sans casse.
A la lecture de ce livre, on s'enfonce en même temps que les parents dans cette descente aux enfers qui m'a semblée insurmontable. Comment faire face ? On a beau théoriser pendant des années, le jour où le pire se produit, la nature reprend le dessus et il est parfois impossible de faire face. Renate Dorrestein l'a très bien compris et surtout très bien restitué, c'est magistral.