Le château de Lord Valentin
de Robert Silverberg

critiqué par Abdul Alhazred, le 16 mai 2005
( - 58 ans)


La note:  étoiles
Retour à la maison tout en douceur
Ce premier tome d'une série qui en compte 6 à ce jour (bonne nouvelle pour ceux qui aiment les sagas...) raconte comment Valentin, dépossédé de son titre de Coronal (un des puissants sur la planète de Majipoor avec le Pontife, la Dame de l'île et le Roi des Rêves) va le reconquérir. Tout d'abord, il faut dire que l'univers est riche (la géographie, les peuples, l'histoire et le pouvoir politique) et qu'il sera développé dans les opus suivants. C'est un récit rempli de péripéties et d'aventures qui voit le héros mûrir en franchissant des épreuves successives, comme dans toutes les quêtes. En lisant ce livre, je n'ai pu m'empêcher de penser à Dune et à Paul mais la puissance, la magie et la douleur de la quête de ce dernier sont infiniment plus profondes que la facilité déconcertante avec laquelle toutes les difficultés s'aplanissent devant Valentin ... Il y a bien des obstacles devant lui mais ils sont surmontés sans douleur, sans pertes (un ou deux personnages secondaires sans importance) et son évolution intérieure n'est pas pharaonique ... Cela reste quand même un bon moment de lecture dont le cadre (planète, rivalité entre les peuples, histoire) sera certainement développé dans la suite (critiques à suivre).
Voyage Extraordinaire à Majipoor 7 étoiles

Je le concède, l’intrigue du Château de Lord Valentin est sans surprise, linéaire, voire plutôt paresseuse. Pour moi elle sert surtout en fait de prétexte à un véritable « Voyage Extraordinaire » à travers Majipoor, la planète géante où se déroule le récit. Et là il faut bien dire Robert Silverberg y déploie tout son talent de géographe de l’imaginaire, faisant preuve en l’espèce, la plupart du temps, d’une grande crédibilité, en y mêlant réflexions sociales, économiques, et ethnographiques sur les différentes contrées et peuples de cet univers. Les descriptions des villes, de la faune et de la flore de Majipoor, produisent un infini dépaysement. Le choix d’intégrer Valentin, le héros du roman, dans une troupe de jongleurs itinérants, avec à leur tête des Skandars bourrus mais attachants, participe aussi grandement, tout du moins dans la première partie du roman, à l’intérêt et au charme de l’œuvre. On y lit à cette occasion des passages très réussis sur l’art du jonglage et l’harmonie avec soi-même et le monde que cela suppose.

Les points faibles du château de Château de Lord Valentin sont sans doute, en plus d’une intrigue assez convenue comme je l’ai déjà dit, un manque de rythme, et un traitement plutôt léger des personnages secondaires. Sans doute loin de la puissance tragique d’un Dune ou de l’efficacité débridée et foisonnante d’un cycle de Tchai, pour le comparer à deux œuvres mettant également en scène une planète imaginée, le roman n’en demeure pas moins d’une grande qualité, aussi bien sur le plan de l’écriture que du divertissement qu’il procure.

Fanou03 - * - 48 ans - 3 septembre 2018


Dune en Technicolor 8 étoiles

Après quinze ans passés à écrire de la SF à tendance cérébrale (couronnés par les louanges des critiques plus que par un succès commercial probant) Robert Silverberg changeait temporairement son fusil d’épaule et signait pour un grand roman de science-fiction épique auquel il donna plusieurs suites.
Et nous voilà donc embarqués dans Le Château de Lord Valentin, un grand roman d’aventure où l’acteur principal est joué par Majipoor, immense planète peuplée par plusieurs dizaines de milliards d’individus, humains colonisateurs et détenteurs du pouvoir et autres races bigarrées (des colosses au poil long et dotés de quatre bras et bien d’autres toutes aussi exotiques). Bien que l’action prenne place dans un futur lointain, la technologie est peu présente pour cause de rareté du métal et perdition du savoir scientifique. En résulte un décor intéressant où la population a retrouvé un mode de vie quasi médiéval ponctué par l’utilisation d’engins futuristes mais rares (des engins de transport anti-gravité tirés par des lamas génétiquement modifiés). L’auteur glisse quelques éléments qui donnent une connotation surnaturelle à l’ensemble (sorciers, gouvernement gardant le contrôle du peuple via l’envoi de rêves) si bien que le résultat tire finalement plus du côté de la fantasy. On pense à Dune évidemment même si la comparaison s’arrête à ce subtil mélange de SF et de fantasy et que ce glorieux aîné est indubitablement classé en SF (parenthèse refermée).
Le Château de Lord Valentin tient aussi du roman initiatique. Valentin, dépossédé de son rôle de Coronal (le pouvoir exécutif sur Majipoor) par un usurpateur, se retrouve incarné dans le corps d’un jongleur et va progressivement s’atteler à la reconquête de son trône. Le personnage principal est donc un adulte à qui on met les comptes à zéro et qui s’interroge sur son identité et son destin. Ce filon est très bien exploité par l’auteur qui construit un personnage intéressant et crédible sans trop en faire.
S’il verse dans le psychologique, Le Château de Lord Valentin reste il faut bien l’avouer une fresque épique, du grand spectacle. C’est un road-trip futuriste dans une nature belle et dangereuse à qui l’auteur donne le rôle principal. Malgré ses trente ans d’âge et le déferlement de la fantasy épique que l’on a observé (subie diront certains), Valentin a gardé toute sa fraîcheur et mérite d’être redécouvert.

Belial - Anvers - 44 ans - 31 août 2010