Le crayon du charpentier
de Manuel Rivas

critiqué par Renardeau, le 18 avril 2001
(Louvain-la-Neuve - 66 ans)


La note:  étoiles
Poésie, guerre civile et humanisme
La guerre d'Espagne, meurtrière, fratricide, n'a pas fini d'inspirer les écrivains. Manuel Rivas, Galicien, signe un très beau roman où la sensibilité s'allie à la finesse et à un fantastique tout en nuances.
En ces temps de rage, les républicains et les franquistes se déchiraient. Herbal est un garde franquiste à qui échoit la tâche de surveiller des prisonniers communistes, anarchistes, socialistes... parmi lesquels deux amis : le peintre et le docteur Da Barca. Le peintre, à l'aide d'un crayon de charpentier, dessine le Porche de la Gloire de la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle et prête aux personnages bibliques les traits de ses compagnons de captivité. Le docteur Da Barca, personnalité pleine de charme, soigne le moral des prisonniers et baigne la vie quotidienne de la prison d'espoir, d'humanisme et de fantaisie.
Sur l'ordre de ses supérieurs, Herbal exécute le peintre. Il garde son crayon et le porte sur l'oreille, comme le faisait le peintre. Le crayon va alors parler à Herbal, l'accompagner dans ses heures de garde, l'ouvrir à un monde dont cet être fruste ignore tout. Il va l'obliger à protéger le docteur Da Barca, à rendre possible son histoire d'amour avec la belle Marisa dont il est lui-même amoureux.
Manuel Rivas a écrit un magnifique roman d'amour, de guerre et d'amitié. L'écriture est tendre, rieuse et inscrit l'espérance au coeur de la guerre.
Ce crayon... 8 étoiles

...a une histoire longue et extraordinaire, c'est un objet rempli de mémoire, de souffrance, de pensées, il a une influence positive et puissante et si jamais un objet peut avoir une "âme", celui-ci en a certainement une, puisqu'il va sauver même le geôlier de sa propre cruauté.
Au milieu des horreurs de la guerre, c'est une lueur d'espoir et une profession de foi en l'être humain.
Un moment rare est celui où, au fond de leur geôle, miséreux et affamés, en attendant la mort, le jeune médecin offre à un de ses compagnons de malheur un "festin" en paroles, somptueux, alléchant.
Manuel Rivas, qui n'a pourtant pas vécu cette période tragique, explore avec finesse ce thème brûlant de l'histoire de son pays.

Sottovoce - Bruxelles - - ans - 21 mars 2004


les risques du métier 10 étoiles

Dès le début du roman, j'ai été désarçonnée. "Encore un livre politique, où la torture est au rendez-vous" me suis-je dit puisque les geôles franquistes constituent la toile de fond du bouquin. On finit par les oublier, tellement on est concentré sur la personnalité du Docteur Da Barca, médecin compétent, plein de bon sens et à l'écoute des patients, comme on aimerait en rencontrer plus souvent sous nos latitudes, qui n'a pas son pareil pour berner les gardes civils en communiquant les informations nécessaires à la résistance.
Manuel Rivas est peu connu chez nous, mais les Espagnols l'ont couvert de prix pour récompenser son juste talent.
Il nous présente un garde civil, pas aussi noir, pas aussi mauvais que cela, puisqu'il glisse le crayon du peintre républicain qu'il a lui-même assassiné, au-dessus de son oreille pour qu'il lui fasse accomplir de bonnes actions.

Darius - Bruxelles - - ans - 17 septembre 2001