Japon, société camisole de force
de Masao Miyamoto

critiqué par Hadrien, le 5 mai 2005
( - 46 ans)


La note:  étoiles
Une autre face du Japon
Le titre, déjà assez évocateur, donne le ton du livre, critique virulente de la société japonaise.
Masao Miyamoto est haut fonctionnaire japonais qui rentre des Etats-Unis, où il a passé l’intégralité de sa vie active, et qui va dorénavant travailler dans un ministère de Tokyo.
Il découvre alors une nouvelle facette de son propre pays : le monde du travail.

Tout lui est nouveau, lui apparaît rigide, lui renvoi sa différence. Les codes, les façons de faire, les attitudes, les non-dits, les perversités d’un système où tout est vicié, où la hiérarchie, bien établie, est inamovible, où tout n’est que faux-semblant, horriblement statique.
C’est la lutte d’un Japonais qui ne peut s’adapter a son propre pays, où il se sent étranger et rejeté.

Le lecteur tombe de haut s’il pensait jusque là que le Japon était une machine d’efficacité et de production. Le fait que l’auteur soit japonais et qu’il décrive sa propre expérience ajoute une énorme d’authenticité a son récit. La critique est très dure et renvoi au système de l’entreprise américain qui sert implicitement d’élément de comparaison.
Ca m’a fait également me poser des questions sur le système français de la bureaucratie qui n’a, pour sa part, pas grand-chose de positif à faire valoir…
Dérapages et rebellion dans le consensus bureaucratique 10 étoiles

En 1986, Masao Miyamoto, haut fonctionnaire type énarque, débarque au département des maladies mentales du Ministère de la Santé.

Après 10 ans passés aux Etats-Unis, où il a découvert un univers insoupçonné de libertés individuelles, le fait marquant de ce récit va être son refus de rentrer dans le rang et sa franchise, deux traits de comportement à hauts risques au Japon.

Dans l’univers muraille des salatymen japonais en uniforme IBM des années 50, Miyamoto porte des cravates aux couleurs vives. A l’inverse des bureaucrates, il arbore des costumes voyants, part tôt en fin de journée, refuse les sorties en groupe dans les bars et insiste pour prendre plus d’une semaine de vacances, à l’étranger, nadir de l’horreur. Le passage sur la demande ultra argumentée formulée en plusieurs exemplaires dans différents services du ministère est désopilante.

L’auteur nous décrit l’alpha et l’omega de la société japonaise : le “honne“, le parler vrai, rarement voir jamais employé, et le “tatemae“, les formules toutes faites qui servent à éviter à tout prix la controverse. Parler du vrai fond des choses est donc exclu.

Il y a par contre 4 règles d’acier au Japon connues de tous : ne pas être en retard, ne pas s’absenter, ne pas trop en faire et last but not least, ne jamais mettre en cause les ainés.

Il finit par être l’objet du “ijime“ qui vise à forcer l’individu récalcitrant à se conformer au moule du groupe ambiant. Ce harcellement multiforme est ici largement décrit.

Un jour il craque et se met à tout dénoncer dans des articles signés dans la presse japonaise : les journées de travail interminables, la hiérarchie tatillonne et stupide, les vies de famille brisées, les compétences sacrifiées, les brimades infligées sur le lieu de travail et les schémas semi féodaux de la hiérarchie.

Considéré comme un paria et un traitre à son pays, Miyamoto sera placardisé à Yokohama puis à Kobe avant d’être révoqué sans indemnités du Ministère, une mesure disciplinaire exceptionnelle au Japon.

Ce livre a connu un succès foudroyant au Japon. Je l’ai lu 3 fois et une quatrième n’est pas exclue.

Ciceron - Toulouse - 75 ans - 29 mai 2008