Univers, univers
de Régis Jauffret

critiqué par Paracelse, le 30 avril 2005
(Paris - 62 ans)


La note:  étoiles
absurdité de l'existence
Place au vide psychotique où des destins, tous plus absurdes les uns les autres, prolifèrent dans un rythme abscons de plus en plus frénétique qu’il en devient morbide… Régis Jauffret nous a habitués à des livres aux univers clos et plutôt macabres, et celui-là ne fait pas exception à la règle.

A partir d’une trame très mince (une femme attend son mari et d’autres invités, en faisant cuire un gigot…), il sait désosser, comme le ferait un Francis Bacon en peinture, les vies médiocres que son "héroïne" imagine, ou mieux encore, croit avoir vécu…

Sous le versant d’un délire schizophrénique sans issue, voici un livre faisant un constat implacable et de plus en plus désabusé sur l’humanité, qui fascine, amuse et dégoûte tour à tour le lecteur qui se sent lui aussi malmené…

Avec Jauffret, pas de sublimation possible ; nos vies se ressemblent toutes, emmurées dans une absurdité étouffante qui conduit inévitablement vers un anéantissement physique et psychique. Car les différents scenarii de (non)vie imaginés par son personnage confinent évidemment plus au cauchemar qu’au rêve, et avancent vers une logique nihiliste et abstraite dont l’issue, certaine, ne laisse de place que pour la mort et le chaos. Dans cette réalité étouffante et morbide, aucun espoir.

Le propos de cet écrivain est d’ailleurs de plus en plus radical, son style de plus en plus clinique et mécanique, avec des mots qui semblent eux-mêmes s’enchaîner dans une logique sans fin. Il n’y a nulle échappatoire, les vies d’emprunt n’arrivant pas (plus) à masquer le vide qui apparaît de plus en plus tentaculaire. Tout semble vain et dérisoire, et le lecteur lui-même craint d’être contaminé…

Livre à l’humour grinçant à éviter aux dépressifs chroniques et à réserver, peut-être, aux aficionados de Régis Jauffret.
Exercice de style 6 étoiles

Les critiques déjà existantes, qui font le grand écart entre une demi et cinq étoiles, loin de se contredire se complètent et permettent de comprendre à quoi s'attendre en lisant ce roman.

Le postulat de base est extrêmement intéressant: nous faisons la connaissance de cette dame qui fait cuire un gigot en attendant son mari (presque retraité, prêt à revendre son agence de voyage pour profiter de sa retraite et voyager). Sachant que le lendemain ils sont attendus chez les Pierrot, pour piquer une tête dans leur nouvelle piscine. Intéressant, j'ai dit? Oui, parce que nous ne ferons jamais entièrement connaissance avec "cette dame" au nom changeant, à l'histoire mouvante, à la personnalité multiple et éclatée, au destin jamais semblable mais presque systématiquement tragique. Certains éléments nous servent d'ancrage pour ne pas perdre le fil (la surenchère du mode de vie des Pierrot, le gigot prévu pour diner, la présence du mari mais l'absence régulière d'enfants...) et permettent de visiter les différents univers qui sont tour à tour (ou en même temps?) la vie de cette personne.

J'avoue que si certains passages m'ont paru extrêmement intéressants, profonds et poétiques, l'ensemble du roman m'a semblé très long. Je crois que Jauffret aurait pu faire le tour des univers en 200 pages sans risquer l'overdose pour le lecteur. La fin a aussi été une relative déception: la boucle n'est pas bouclée, le lecteur reste pris dans la spirale infernale du manège qui accélère sans jamais vraiment lui permettre d'en descendre.

Bonne expérience malgré tout, qui me donne envie de découvrir les fameux micro-récits de l'auteur.

Mallollo - - 42 ans - 31 octobre 2019


Coup de pied dans les standards de la littérature... 10 étoiles

UNIVERS, UNIVERS
Régis Jauffret – Ed. Verticales/Le Seuil – 2003

« Nous sommes des univers passagers dans l’univers qui s’éternise » (Régis Jauffret). Oui, sans aucun doute… Et c’est ce qui résume le mieux ce livre de 609 pages qui, je l’avoue, m’a coupé le souffle et me laisse légèrement ahurie. Mais je ne sais pas encore si c’est d’admiration ou de lassitude ou de stupéfaction. Peut-être un peu des trois à la fois. Parce que… l’ouvrage est déroutant à plus d’un titre.

Il est impossible d’en synthétiser le contenu. Il faudrait pour cela, au minimum, évoquer les personnages principaux. Or, si ce livre foisonne de personnages et de situations, c’est à partir d’un seul individu -une femme qui surveille la cuisson d’un gigot en attendant son mari - que tout se joue. L’exercice titanesque auquel s’adonne Régis Jauffret consiste à imaginer, à partir de cet individu ordinaire, à l’existence quelconque, plongé dans une activité domestique anodine, la multitude des « possibles » : d’autres noms, d’autres origines, d’autres passés, d’autres attentes, d’autres destins…Les variations s’enchainent sans répit autour de ce personnage insignifiant, familier, et de son entourage. Je n’ai pas dénombré les univers « possibles » façonnés par Régis Jauffret…Mais croyez-moi sur parole, l’étendue et la variété des hypothèses sont impressionnantes.

Difficile alors de tracer les grandes lignes d’une histoire qui en réalité n’est ni unique, ni figée, mais démultipliée à l’infini. La seule constante étant l’incipit récurrent : une femme qui surveille la cuisson d’un gigot. Difficile aussi de disséquer clairement le mode de construction de ce livre (je n’ose pas dire roman, car il défie les standards passés et contemporains de la littérature). Il est –linéaire -… Oui, vous avez bien lu : 609 pages d’un récit linéaire rythmé par le flux et le reflux d’une situation de base. On en sort à bout de souffle, sens dessus-dessous comme après un passage dans une centrifugeuse ou le tambour d’une machine à laver à la fin du cycle essorage.

Lecteurs étourdis et/ou à la recherche d’un roman à survoler sur la plage et/ou pour s’occuper l’esprit dans les transports et/ou besoin d’un roman où l’auteur tire le lecteur sur des chemins balisés ... ? Attention : ici, il faut se débrouiller tout seul pour ne pas perdre le nord et surtout, s’accrocher du début à la fin. A quoi ? A la femme qui surveille la cuisson de son gigot, puisque c’est le seul point d’arrimage. Mais…rassurez-vous, on peut aussi se laisser emporter dans « la centrifugeuse de Jauffret » dont le regard tranchant, l’imagination totalement débridée, l’écriture d’une densité incontestable et d’une force peu commune restent on ne peut plus captivants… Univers, Univers, c’est aussi « le style Jauffret » : cynique, amer, acide, cruel, dérangeant. Novateur et hypnotisant.

Univers, Univers, n’est pas un livre comme les autres. C’est une révolution, un grand coup de pied dans les standards de la littérature, de l’écriture comme de la lecture. Un exercice de haute voltige. Une œuvre plutôt qu’un simple roman. Pour en profiter, il faut faire des efforts : « l’œuvre » se mérite…

Extrait (Epilogue)
« Elle a eu trop de noms pour qu’on s’en souvienne. A présent, le gigot est cru, l’agneau s’en sert encore pour gambader dans la campagne, grimper aux arbres, s’envoler de la plus haute branche avec la grâce d’un caillou, d’un caïman, d’un lecteur tombé tête la première dans un roman. Un roman décédé de mort subite. Les livres meurent debout. »
Josy Malet-Praud@juillet 2010

Lascavia - - - ans - 26 juillet 2010


je n'ai pas pu ... 1 étoiles

... arriver au bout !

J'ai calé à 230 pages environ, sans pouvoir faire un pas de plus en avant ...
Ce livre m'a ennuyée au possible pendant 230 pages, et je me demande bien comment j'en serais ressortie si j'avais dû lire obligatoirement la fin !!

une accumulation indigeste d'hypothèses de vie, d'hypothèses toutes plus ennuyantes les unes que les autres ...

Calamity_jane - Montreuil - 44 ans - 25 mai 2005