La comédie du langage. (suivi de) La triple mort du Client
de Jean Tardieu

critiqué par Shelton, le 25 avril 2005
(Chalon-sur-Saône - 67 ans)


La note:  étoiles
Ah !!! Quel spectacle !
Jean Tardieu est un auteur de théâtre devenu classique avec le temps – court – et aussi les représentations sur scène – heureusement nombreuses –. Mais, en fait, c’est surtout un grand inconnu. La preuve ? Encore aucune critique sur notre site !
Né en 1903, mort en 1995, il est un homme du vingtième siècle, un touche-à-tout de talent qui ose aller de la radio à la poésie en passant par le théâtre, et le tout, en jouant avec les mots et le langage qu’il maîtrise mieux que tous… Il s’engage même pendant la deuxième guerre mondiale dans la Résistance où il s’illustre… en animant la vie littéraire de la clandestinité !
La comédie du langage est un ensemble de petites pièces, on dirait, aujourd’hui, de sketches, qui vont explorer toutes les possibilités du théâtre des mots. Je n’irai pas jusqu’à dire que chez lui le jeu théâtral se limite aux mots, ce serait trop exagéré, mais il est vrai que le metteur en scène qui veut donner de la crédibilité à ces textes doit porter son effort et ceux de ses acteurs sur les mots… Mots présents ou mots absents car chez Jean Tardieu ce qui est absent peut être plus important que ce qui est dit…
Tout commence avec Un mot pour l’autre, joyeux délire verbal qui enchante le spectateur, mais le lecteur aussi, s’il donne une oreille attentive à sa lecture… «Fiel !… Mon zébu !…», s’exclame Madame de Perleminouze… Oui, ce serait une sorte de boulevard fin dans lequel les mots prennent le dessus sur la situation des personnages…
Puis, les acteurs ne finissent pas leurs phrases, ajoutent des mots qui semblent inutiles – mais qu’est-ce qu’un mot utile ? – enfin, nous arrivons à la conférence du professeur… «Vous allez assister à une scène – voyons, c’est le cas n° L 4, 7803 – qui se reproduit tous les soirs, lorsque Monsieur B., vingt-huit ans, rentre chez lui et retrouve Madame B., vingt-cinq ans. Je l’ai nommée le «Rite du Retour à la Maison ». Le décor que vous voyez… ». La décence de ce site m’empêche d’aller plus loin dans un texte que vous aurez beaucoup de plaisir à découvrir même si vous avez plus de trente ans…
Mais le sommet de La comédie du langage est pour moi Conversation-sinfonietta. Cette pièce vous transporte dans la salle de concert mais les musiciens sont des jouteurs verbaux, le rythme des mots, des phrases vous prend comme celui des notes… Est-ce du Mozart, du Vivaldi, du Stravinsky ? Difficile à dire… mais pour le public ça reste un grand moment de jubilation… et pour l’acteur une épreuve de grande concentration… C’est comme un match de volley où la balle serait remplacée par des mots, un combat de boxe où les uppercuts seraient mots et verbes… Bref grandiose, même à la lecture dans son salon… D’ailleurs, pourquoi ne liriez vous pas à voix haute, pour votre conjoint, pour vos enfants, pour vos voisins… Une façon de lire le théâtre qui réveillerait en vous un goût pour un art moins apprécié que les romans.
La comédie du langage est donc bien un livre à lire, à vivre, à découvrir, à redécouvrir en permanence… Chaque fois que je relis une des pièces j’en redécouvre un aspect ignoré précédemment qui me fait dire et redire avec aplomb et certitude «Oui, Jean Tardieu est réellement un auteur de qualité qu’il faut faire découvrir au plus grand nombre de lecteurs ».
Alors, bonne lecture et à bientôt au théâtre !