Risible et noir, précédé de "Potence machine"
de Maxime-Olivier Moutier

critiqué par Aaro-Benjamin G., le 25 avril 2005
(Montréal - 55 ans)


La note:  étoiles
Putes, macaroni et les dures vérités
D’abord je veux spécifier que j’ai lu l’édition québécoise chez « Triptyque » de cette collection de nouvelles et non celle de “J’ai lu” qui inclus le premier recueil de l’auteur “Potence machine”. Donc, ma critique porte seulement sur les 25 textes de « Risible et noir »

D’entrée de jeu, la première nouvelle donne le ton : « Tout le monde ment. Tout le monde ment au sujet du nombre de bouquins qu’il a lus. Tout le monde vole à l’étalage. Tout le monde prend de la drogue, tout le monde est raciste, tout le monde rêve de pouvoir un jour tuer un policier… »

La vie, c’est pas de la tarte et Moutier nous le rappèle tout au long de ses petits récits déjantés écrit avec une plume acerbe. Ce livre, c’est un coup de poing, c’est la mort des illusions. Le lecteur n’a aucun répit de cette noirceur, même dans les moments de poésie comme « L’Histoire du silence » la mémoire d’une femme solitaire ou « La vie Kraft Dinner » un hommage au père ou « Essai de sociologie russe » qui dévoile le secret de la création de la fête de Noël.

Malgré le cynisme et ce regard franc sur des personnages ordinaires de putains, d’amoureux largués et de jeunes qui se tuent en voiture, on se régale. C’est contradictoire mais j’ai adoré cette manière horrible de nous parler, un peu comme la voix d’un ami terre à terre qui nous ramène à la réalité avec sa crédibilité inébranlable.

Décidément quelque chose d’audacieux et d’original dans le paysage de la littérature québécoise.
Avis mitigé 5 étoiles

Il est plutôt difficile de faire l’appréciation générale d’un recueil qui contient plus de trente textes. Certaines nouvelles m’ont beaucoup plu (particulièrement celles sur Marie-Hélène), d’autres m’ont laissée plutôt indifférente, et d’autres encore m’ont carrément ennuyée. L’auteur change souvent de registre, et il faut avoir envie de le suivre, ce qui n’a pas toujours été mon cas. Par exemple, on peut passer de la misère montréalaise à la ville de Londres et ses zombies de 2025, pour aller ensuite retrouver une famille de petits crabes au bord de la mer… On peut aussi passer de la nouvelle classique à un récit plus poétique, qui ne nous raconte pas d’histoire mais qui est en fait une succession d’images, ou une tranche de vie d’une page à peine. J’ai moins aimé ces récits un peu trop métaphoriques pour moi, mais j’ai par contre beaucoup aimé les nouvelles sur Montréal, et surtout celles sur Marie-Hélène. Les relations de couple sont abordées sous un angle assez pessimiste, mais il y a toujours un petit quelque chose fait réfléchir dans chaque histoire. J’ai particulièrement aimé la dernière, « Il y a Marie ». Je serais curieuse de voir ce que peut faire Maxime-Olivier Moutier sur le même thème dans un roman.

Gabri - - 38 ans - 2 mars 2009


Excellent, mais parfois inégal 8 étoiles

Mise en garde : Si vous souhaitez lire ce livre pour en fait en lire deux, détrompez-vous. Potence machine a été estropié de 6 de ses nouvelles dans l'édition J'ai Lu.

Ce livre, comme le titre l'indique, est un petit deux dans un de recueils de nouvelles. Fait à noter, l'éditeur initial (Triptyque) les appelait plutôt "récits". Et connaissant un peu plus l'univers de Moutier, à la lecture de 4 de ses livres, je dois dire que "récits" convenait plutôt bien, dans l'ensemble. Bon, fin des mises aux points.

La première partie (Potence machine) ouvre la porte sur l'univers de Moutier. Les thèmes de la relation de couple et de la vie quotidienne y sont maîtres. D'ailleurs, on y voit déjà les traces du personnage de Marie-Hélène qui suivra l'auteur pendant longtemps, alimentant sa détresse et sa souffrance. L'auteur nous invite dans un milieu pauvre, décrit sans rien embellir de sa dure réalité. Mais malgré cela, dans un cynisme mordant, il s'y attarde avec un attachement qui surprend et qui rend le tout fondamentalement humain. Cette première partie est malheureusement très inégale et termine d'une bien drôle de façon : deux textes, qui n'ont rien à voir avec le reste, ni dans le style, ni dans le genre (s'apparentant plutôt au conte). Quant au dernier texte, on retombe dans un univers qui lui ressemble, mais sous une forme très allégorique qui m'a éloigné du reste. Je me suis même demandé pourquoi ces trois textes venaient fermer un recueil qui souffrait déjà de manque de constance.

La seconde partie (Risible et noir) est par contre bien meilleure. Le titre donne le ton. Son amour déchirant avec Marie-Hélène aussi. Les détails visent juste, augmentent la misère humaine dans laquelle on plonge... et dans laquelle on ne sort pas indemne. Que ce soit par des comparaisons frappantes, nouvelles, ou par une description d'objets d'apparence anodine, mais aussi lourds que l'atmosphère. Les personnages sont complexes et leur humanité toujours rendue, peu importe leur désespoir ou leur déchéance. J'ai été sincèrement touché, voire même ébranlé, par la douleur d'un homme ou d'un personnage blessé par la vie. Et au lieu de nous agacer, les quelques nouvelles qui sortent du paysage habituel permettent de souffler un peu, de pouvoir supporter de voir ce qu'on ne voudrait pas pour ne pas être blessé. Pour ne pas couler avec eux.

Décidément, cet auteur ne me laissera jamais indifférent.

Calepin - Québec - 43 ans - 18 janvier 2008