La mystérieuse flamme de la reine Loana
de Umberto Eco

critiqué par Jules, le 18 avril 2005
(Bruxelles - 80 ans)


La note:  étoiles
Beaucoup d'érudition
J’ai reçu ce livre d’une amie et je n’ai pu m’empêcher d’en lire les quelques premières pages alors que j’étais déjà dans un autre bouquin. Cela m’a fortement plut. Quelques jours plus tard je me suis donc lancé dans l’aventure.
Le sujet est attirant dès le départ. Un homme se réveille en clinique et constate qu’il a totalement perdu la mémoire et nous ne savons pas à la suite de quelle circonstance. Il est à Milan où on lui dit qu’il exerce la profession de vendeur de livres anciens. Il ne connaît plus son nom, ne sait pas qu’il a une femme, deux filles et des petits-enfants, mais il connaît des dates comme celles de la mort de Napoléon ou de la chute de Mussolini. Il est tout aussi étrange qu’il connaisse encore bien les dates des éditions originales et reliures des livres anciens, mais pas tous.
Il va sortir de clinique et commencera alors pour lui un dur apprentissage. Quels étaient exactement ses rapports avec sa splendide jeune vendeuse ? Pourquoi tout le monde l’appelle-t-il Yambo ? Pourquoi n’aimait-il plus aller dans la maison familiale de Solara ? Comment reconstruire tout ce passé qu’il a oublié, comment connaître les véritables rapports qu’il avait avec sa femme, ses filles et ses petits-enfants. Il va même redécouvrir ce que c’est que de faire l’amour.

Jusque là, tout va… Mais le livre vire très vite à de très longues pages d’érudition sur le livre ancien et la reliure. Une fois à Solara, nous aurons droit à toutes ses découvertes de Bédés, de chansons et de livres pour adolescents qu’il retrouvera dans les greniers. Il n’est certainement pas sans intérêt de découvrir à quel point la dictature de Mussolini a influencé cet art : même Buffalo Bill a été débaptisé et s’est mis à ressembler au Duce ! L’Angleterre était devenue la première ennemie etc. Mais tous ces titres en italien, et donc pour la plupart inconnus de nous, deviennent un peu lassant et il en va de même pour les chansons à la mode. On comprend son intérêt, mais le nôtre ne suit pas… Bien sûr il reste des lignes intéressantes sur le processus de reconstruction qu’il a entamé, mais elles ne suffisent pas, en tout cas pas à mon goût.
Oui, Umberto Eco écrit très bien et ce qu’il écrit est intelligent, mais les descriptions sont longues et bien souvent elles ne nous parlent pas. Oui, nous comprenons son anxiété de chercher à savoir si ses grands-parents et parents étaient fascistes ou non, mais cela ne suffit toujours pas.
Au premier tiers du livre, j’ai dit à un ami : « C’est trop bien pour que je l’abandonne, ce n’est pas assez bien que pour que cela me passionne. » C’est arrivé à un peu plus de la moitié que j’ai abandonné pour un autre livre qui m’attirait trop.
A noter, en tout cas, que ce livre est indiscutablement un long travail de mémoire et de recherches de photos et d’anciennes Bédés. Le livre en est plein et cela donne un très beau livre au niveau de l’édition. Je me demande d’ailleurs comment ils feront pour le mettre en collection bon marché !…
Voilà, je ne peux en dire plus, n’ayant pas atteint la fin. D’autres en parleront sans doute mieux que moi.
rérervé aux amateurs 7 étoiles

Comme le souligne Diranldaise plus haut, ce livre plaira sûrement aux inconditionnels de Eco...

J'ai, comme d'autres, vite plongé dans cette histoire insolite et séduisante d'un homme se réveillant après un coma, ayant quasiment tout oublié de son passé. J'ai beaucoup aimé la première partie : le cheminement intellectuel, et plus pratique aussi, pour l'amener à essayer de "recréer" sa vie passée est admirablement décrit.

L'épisode de Solara m'a paru long, très long... : les égrènages de titres de livres ou de chansons de cette époque deviennent lassantes : Eco prend du plaisir, mais où est celui du lecteur, à part pour les italiens de sa génération ?

Sans dévoiler quoi que ce soit, le grand Umberto termine pour moi tout de même de façon magnifique ce livre îconoclaste. La nostalgie, la tristesse dominent, mais la poésie est là...

Araknyl - Fontenay sous Bois - 54 ans - 16 février 2007


À réserver au amateur de Eco 7 étoiles

Deuxième livre que je lis de Eco et j'ai encore ressenti la même impression d'un auteur au talent hors du commun mais qui l'emploie, non pas pour le plaisir du lecteur, mais pour son plaisir personnel.
Eco est un écrivain génial. Le lire pour moi est un vrai bonheur mais hélas, il me gâche un peu le plaisir par son côté un peu maniaque du détail. Comme Jules, je me suis jetée dans la lecture de ce bouquin avec enthousiasme mais tous ces vieux livres, ces bandes dessinées, ces articles de journaux et illustrations sont certainement d'un grand intérêt pour lui mais on se lasse assez vite. Il nous en ressert avec insistance et la lecture en devient assez ardue malgré le côté attendrissant de cette quête de ses souvenirs de papier. Mais par contre, quand il se lance dans la narration, alors là, c'est le pur bonheur. L'histoire de l'escalade du Vallon est savoureuse. Pourquoi n'écrit-il pas plus comme ça ? Son personnage principal est particulièrement attendrissant et la fin est pathétique. On plonge en plein délire comateux pour aboutir au noir total... Prenant !
J'ai tenu jusqu'au bout malgré ma lassitude et j'ai quand même bien apprécié certains chapitres ainsi que la fin.

Dirlandaise - Québec - 69 ans - 22 février 2006


Magnifique 9 étoiles

Ce livre, comme d'habitude avec Eco, est magnifique en tout points de vue : l'objet livre en lui même, orné de magnifiques illustrations, l'écriture toujours aussi érudite, toujours aussi élégante, l'histoire superbe et émouvante... L'histoire d'un célèbre bouquiniste très réputé, Yambô, quinquagénaire qui, au réveil d'un coma profond, ne garde dans sa mémoire que les dates, les faits historiques : ce qu'on appelle la pensée sémantique : il connaît la vie de Napoléon par coeur, mais ne sait rien de la sienne... Ce qui nous donne droit à une scène assez cocasse où notre héros se demande s'il a couché ou non avec sa jolie secrétaire... Yambô va vouloir reconstituer son passé en allant dans la maison de sa jeunesse fouiller les archives de sa lointaine enfance... Je ne vais pas trop vouos dévoiler l'histoire, mais plutôt vous parler des techniques qu'utilisent Umberto Eco dans ce roman : tout d'abord, tester la résistance du lecteur aux longues énumérations nostalgiques de livres pour enfants italiens, de chansons à la gloire du Duce, pour ensuite nous mener vers une vraie et passionante intrigue... Une écriture tout en finesse est à noter également : même dans les scènes les moins raffinées à première vue (la joie de se gratter les testicules, etc), Eco, avec sa plume toujours élégante et fine n'est jamais vulgaire... Dans ce roman autobiographique apparaît quelque chose de nouveau chez Eco : l'émotion... Cela paraît évident que cela nous touche plus quand Eco nous parle de la guerre de 39-45 que des aventures trépidantes d'un Sherlock médiéval dans une abbaye... Umberto Eco se lâche, nous parle enfin de sa vie, et les larmes arrivent... Un livre magique de bout en bout, comme on en voit rarement....

Le petit K.V.Q. - Paris - 31 ans - 26 décembre 2005


Eco, le manipulateur... 9 étoiles

Mon cher Jules, Steven a raison. Tu as lâché trop vite et ainsi tu es tombé dans le piège tendu par l'incorrigible Umberto. Il nous défiait déjà dans les premières pages de Baudolino mais d'une manière assez courte. Ici à nouveau, il accumule, entasse, dresse des listes, décrit à n'en plus finir mais chacune des informations qu'il nous dévoile trouve son importance comme autant de pièces constituant un gigantesque puzzle dont l'élucidation constitue l'explosion poétique des dernières pages du roman. Je suis d'accord avec Steven: même si la fin de l'histoire est effectivement d'une tristesse accablante, ce livre mérite si peut-être pas 6 étoiles, au moins cinq super brillantes.

Hambraine - Fosses La Ville - 73 ans - 24 juillet 2005


Presque un documentaire 9 étoiles

En effet, j'ai l'impression d'avoir lu un semi-documentaire très bien documenté d'ailleurs. Ce n'est certainement pas pour me déplaire, mais je comprends que ça ait pu lasser Jules par exemple. Dans les médias, on parle très régulièrement de l'Allemagne nazie mais bien moins de l'Italie fasciste, moins unie derrière son Duce que les teutons derrière le Fuhrer.
Il s'agit néanmoins d'un roman avec une véritable histoire composée d'épisodes, d'anecdotes et de souvenirs. Yambo, bouquiniste antiquaire, tente de reconstruire sa jeunesse, très influencée par le fascisme, la deuxième guerre mondiale, et par la renaissance de son pays suite à la fin du conflit. Via les documents retrouvés dans sa maison de campagne familiale, il essaie de savoir quels étaients ses sentiments et opinions vis-à-vis de la propagande et des évènements de l'époque, de sa plus petite enfance jusqu'à ses premiers émois amoureux.
A travers le personnage principal, j'ai réellement éprouvé des impressions, des interrogations et des réflexions déjà vécues. Plusieurs fois je me suis dit "c'est vraiment ça!". On se sent parfaitement à sa place dans la peau de Yambo, qu'il ait 60 ou 10 ans. C'est pour moi le véritable tour de force d'Umberto Eco dans cet ouvrage. Yambo n'est pas non plus un de ces personnages qui ont déjà tout vécu, à nous rendre jaloux.
Comme l'écrit Steven, une fois terminé ce livre nous laisse perplexe et nostalgique. Nostalgique de notre enfance, mais également de notre adolescence et de ses idéaux. La fin est sujette à plusieurs interprétations, mais à mon sens une s'impose par rapport aux autres, la plus noire.
L'édition est très belle, le style d'Eco est impeccable, mais un peu difficile à lire au début; on ne sait pas toujours de quoi il parle. Une question d'habitude. Les dialogues sont un peu particuliers, très bavards. J'imagine que c'est propre à la culture transalpine. J'ai déjà constaté cette particularité dans certains films italiens.
En tout cas, j'ai trouvé ce livre excellent! A conseiller à tous ceux qui aiment les livres d'ambiance, les documentaires et l'Italie!

Jean Meurtrier - Tilff - 49 ans - 4 juillet 2005


La Mistérieuse Flamme de la Reine Loana 10 étoiles

Jules de Bruxelles (tiens, moi aussi je suis Bruxellois...) a laché cette merveille de la littérature au mauvais moment. Oui, il y a éffectivement un passage dans la deuxième partie du livre qui est dur à avaler. C'est long et si l'on est pas de la même génération de l'auteur, on a tendance de s'en lasser, à cause du manque de repères.
Moi, pour ma part, j'ai choisi de persévérer et de lire le livre jusqu'au dénouement.
L'histoire prends une autre tournure après ce long passage et je n'ai plus su me séparer du livre.
Je viens de le terminer et je suis resté abasourdi, perplexe et rempli d'un étrange sentiment de nostalgie d'une réelle douceur.
Umberto Eco signe avec ce livre son oeuvre la plus profondément humaine.
Fini les romans historiques voillées d'occultisme. Jacopo Belbo, Casaubon, Roberto et Baudolino ont été remplacé par un protagoniste bien plus réel. Il pourrait être vous ou moi.
Ce livre est une véritable psalmodie sur la beauté féminine, sur l'amour éternel et sur la nostalgie de nos mémoires d'enfance qui ont tendance a s'éffacer au fil du temps et à s'estomper face au monde pressé, américanisé et donc trivialisé dans lequel nous évoluons de plus en plus.
La fin de l'histoire est d'une tristesse accablante et pour ressentir l'impact de la toute dernière phrase:"Pourquoi le soleil devient-il noir?", il faut vivre dans son coeur et dans ses tripes l'histoire de Yambo et s'imaginant être lui.

Mon enfance me manque maintenant.

Ce livre mérite 6 étoiles......

Steven - Luxembourg - 56 ans - 12 juin 2005