Chaque récit de Hella Haasse décrit par le détail tant la personnalité, le physique, que les pensées intérieures de ses personnages. L'auteur n'est pas avare de détails et s'y connaît en création d'atmosphères. C'est le cas, une fois encore, avec cette maison bleue, habitée par un couple sobre et respecté, puis désertée, vouée à diverses occupations, avant d'être à nouveau envahie par les filles du tout premier couple, gamines qui ont grandi ici avant de retourner en Argentine à la mort de leur père. Les retrouvailles entre une maison et ses premières occupantes, entre des souvenirs enfouis et d'autres qui ne resurgiront jamais, entre une époque et une autre... de quoi s'apercevoir qu'il peut être impossible de retrouver les saveurs de l'enfance, quands bien même celles-ci étaient délicieuses. La mémoire peut jouer de drôles de tours et enjoliver la réalité. Quelques personnages complètent le tableau, des voisins ayant acheté un morceau du parc jadis flamboyant, êtres étranges, désabusés, solitaires intérieurs qui imaginent que le retour des soeurs Lunius va leur apporter à chacun ce que la vie leur a pris: le rêve et le sourire. Ce sera une erreur...
Hella Haasse a opté pour un mode narratif en deux temps: d'une part, des gens anonymes, représentants du quartier sans que l'on sache jamais qui ils sont, qui racontent leur version de l'histoire, le départ puis le retour des soeurs, la disparition d'une des voisines, l'arrivée d'un ancien terroriste, le chagrin de Nina et la distance de Felicia.
Puis le récit lui-même, avec dialogues et monologues, le parcours de ces ceux argentines-hollandaises revenues sur leurs traces. Deux voix qui se mêlent, un peu à la manière d'une enquête policière. Ce qui met d'ailleurs le lecteur en déroute. Hella Haasse joue astucieusement avec la disparition de Wanda Meening, être fantasque et agaçant, pour faire croire qu'en fin de parcours, la clé de l'énigme sera livrée. Il n'en sera rien, c'est autre chose qui nous est proposé, une fin plus curelle encore, liée à la disparition des apparences et l'importance des leurres. Un espoir trahi, dont il faut rapidement tourner la page, parce que la vie continue. Toujours.
Sahkti - Genève - 51 ans - 16 octobre 2005 |