Vienne au crépuscule
de Arthur Schnitzler

critiqué par Monito, le 6 avril 2005
( - 52 ans)


La note:  étoiles
un bon moment
Georges est pianiste. C’est un bourgeois autrichien-allemand. Il est doué, il a du talent semble-t-il, mais c’est aussi un dilettante. Sa vie est facile, de visite courtoise en promenades en passant par une habitude des voyages en Europe et notamment en Italie, il est sûr de lui. Capable de s’arrêter de jouer quand il le veut, de reprendre son art quand il le souhaite, il surfe sur la certitude de son avenir. Le travail n’est pas sa préoccupation, la vie lui est douce. La mort de son père le perturbe, c’est sur ce thème que s’ouvre ce roman d’Arthur Schnitzler.
Georges évolue dans un milieu bourgeois où les autrichiens côtoient les juifs. La judaïté est un des thèmes centraux de cet ouvrage. Le rapport des non-juifs aux juifs, celui des juifs aux non-juifs et celui des juifs à eux-mêmes émaillent tout le roman au travers de différents personnages qui donnent à voir toute la force et la complexité de cette appartenance, au moins religieuse.
Georges est un homme sympathique et attachant. Par de nombreux côtés il nous séduit. Par de nombreux aussi, il nous insupporte. Son dilettantisme frôle parfois la lâcheté et l’histoire qu’il vit avec Anna en sera le point d’orgue.
Il l’aime, mais pas assez pour l’épouser, pas maintenant, elle n’est peut-être pas faite pour lui, et puis, il est jeune, pas prêt à renoncer aux femmes… Il lui fait un enfant, joie et inquiétude, envie et déjà regrets. Il pense à cet enfant à naître, à la future mère. Il est attendri, enthousiaste et finalement doute et parfois même les oublie dans les bras d’une autre femme.
Tellement proche et tellement loin de nous Georges est notre miroir, le reflet de ce que l’on ne veut pas voir. Il ne sait pas en fait, il ne sait rien. Il tâtonne, il se trompe, il renonce, il n’ose pas, mais aimerait tant, mais ne sait pas quoi…
Ce n’est pas une histoire d’amour, c’est une histoire d’hommes dans un Empire en fin de courses où les scandales se succèdent les uns aux autres ou l’identité pose question.
Une belle galerie de personnages aussi, qui illustrent, qui souligne ou tel Henri et Nunberger font office de psychanalystes.
Une écriture classique, sobre et somme toute belle. Un bon moment.
Une civilisation à son crépuscule 8 étoiles

C'est une belle image de la fin de l'empire des Habsbourg avec ces dandys qui déambulent sur le Ring à la conquête des jolies Viennoises sans se soucier du quotidien qui leur est assuré.

C'est l'image de la déliquescence d'une civilisation en fin de cycle qui est déjà minée par les tares qui lui seront fatales.

C'est l'image d'une société qui n'a pas vu le monde changer et qui vit encore au siècle où les rois et les empereurs régnaient en maîtres absolus sur l'Europe selon "l'étiquette".

C'est la montée en puissance des fléaux qui accableront le XX° siècle de leurs malheurs et notamment de l’antisémitisme.

C'est le reflet dans le miroir de nos faiblesses devant les responsabilités individuelles (reconnaissance de l'enfant conçu dans la frivolité) ou collectives (abandon tacite des familles juives qui sombrent lentement dans la bordure sociale).

Un très beau livre très bien écrit dans un excellent style mais aussi un document historique de première qualité pour les historiens de la période.

Débézed - Besançon - 77 ans - 7 mars 2008


un beau souvenir 10 étoiles

J'ai lu Vienne au Crépuscule il y a quelques années déjà. J'étais en première et mon professeur d'histoire de l'Art avait choisi de nous le faire étudier dans le cadre d'une étude sur Vienne et les arts dans les années 1900 à 1930. D'après lui, ce roman était un très bon exemple de l'effervescence intellectuelle et de l'atmosphère si particulière de la ville à cette époque!
Il avait raison mais pour moi ce livre allait au-delà de tout ça!
Ce roman reste un de mes beaux souvenirs littéraires: belle histoire, personnages complets et surtout écriture prodigieuse et magnifique.
Je me souviens ce bonheur de se plonger dans les mots de Schnitzler qui m'avait même fait louper mon arrêt de bus au retour du lycée!

Gwendoline - - 40 ans - 22 avril 2006