L'eau et les rêves : Essai sur l'imagination de la matière
de Gaston Bachelard

critiqué par MOPP, le 3 avril 2005
( - 88 ans)


La note:  étoiles
Les forces imaginantes de notre esprit
BACHELARD parle de l'"imagination matérielle" de l'eau, élément plus féminin et plus uniforme que le feu. Il passe en revue le rôle stimulateur de l'eau dans la création poétique. Les eaux claires, les eaux printanières, les eaux courantes. Bien entendu, la question du narcissisme est abordé. Il prend, en exemple, la rêverie d'Edgar POE, alimentée par l'"eau lourde". Le complexe de Caron, le complexe d'Ophélie sont étudiés. Bien entendu le thème de la purification par l'eau ne pouvait pas être oublié, ni la suprématie de l'eau douce.

En ce qui me concerne, j'ai retenu quelques notes :

"L'être voué à l'eau est un être en vertige. Il meurt à chaque minute, sans cesse quelque chose de sa substance s'écoule." p.13. HERACLITE n'est pas loin.

Et JUNG : "Le désir de l'homme, c'est que les sombres eaux de la mort deviennent les eaux de la vie." Le retour au giron maternel peut-être ?

Et CLAUDEL, dans Connaissance de l'Est, : "La nuit est si calme qu'elle me paraît salée."

Tiens, je pense aux montres molles de Salvator DALI : espace-temps gluant, la montre molle étant chair qui s'écoule.

Et l'eau violente n'est-elle pas provocation ? ("L'océan bout de peur" DU BARTAS)

N'opposerait-on pas NIETZSCHE le marcheur à SWINBURNE le nageur ? La marche de Zarathoustra est combat contre le vent, mais c'est une fuite dans la recherche de la solitude ; dans l'eau, la victoire est plus rare, plus difficile, plus méritoire ; SWINBURNE est le héros des eaux violentes (il a passé son enfance près des flots, à l'île de Wight.) L'eau violente est un des schèmes de la colère universelle (p.200)

Mais il y a aussi la parole de l'eau présente chez ELUARD. Eluard avec un "a" très sonore, comme dans "aqua". N'a-t-il pas écrit : "Je tiens le flot de la rivière comme un violon" ? Et cette eau qui coule en son langage fluide, sans heurt, langage qui assouplit le rythme..

En bref, voici un livre intéressant à plus d'un point de vue.