Noeuds et dénouement
de Annie Proulx

critiqué par Eireann 32, le 25 mars 2005
(Lorient - 77 ans)


La note:  étoiles
Avons-nous plusieurs vies ?
Quoyle (nous ne saurons jamais son prénom, juste ses initiales R.G.) revient à Terre-Neuve où il est né. Peut-on redevenir îlien ? Le modernisme et le pétrole vont remplacer la pêche, est-ce un bien ou un mal ? La mort plane, les tempêtes et les noyades sont là pour nous rappeler que toutes les îles ne sont pas des paradis.
Cet homme pas gâté par la nature, sorte de monstre boulimique et au menton proéminent, victime de tous les sarcasmes possibles quitte New York pour Terre-Neuve. Sa femme qui le trompait gaiement étant morte dans un accident de voiture, Quoyle, sa tante et ses deux filles quittent tout pour un retour aux sources, mais les sources sont froides et la plupart du temps gelées. Il a trouvé un boulot minable au journal local «The Eider Cancaneur ». Il rédige une sorte de rubrique des chiens écrasés mais avec des variantes, accidents de voitures, vrais ou inventés mais avec photos. Puis une rubrique maritime lui est confiée, entrées et sorties des navires. Ses filles s’acclimatent tant bien que mal, il découvre peu à peu la vérité sur sa famille «la baie des balourds » est nommée ainsi en «hommage » à la famille Quoyle. Sa tante travaille dans l’aménagement des bateaux, chose qu’il ne savait pas, car il la connaissait très peu. La maison où ils devaient habiter est loin de tout et impossible d’accès en hiver. La vie à Terre-Neuve est très dure climatiquement et socialement. Mais l’amour est-il au bout de cet hiver rigoureux ?
Quoyle est à son arrivée, pitoyable et risible pour la petite communauté d’un village de l’île, il achète le bateau le plus mauvais de l’île et ne sait rien faire. Mais Terre-Neuve va le métamorphoser. Wavey, jeune veuve avec un fils est une voisine que la vie n’a pas épargnée non plus. Les voisins souvent anciens marins pêcheurs sont très bien décrits avec leurs duretés et leurs coups de folie.
Le lecteur suit la vie de l’île, faite de tempête, de pluie et de ses petits riens quotidiens, mais il ne s’ennuiera pas. Quelques moments sont franchement drôles, en particulier le lendemain d’une nuit très alcoolisée la conversation dérive sur la cuisine exotique et les pays chauds. L’écriture est simple, mais précise et les prix littéraires qui ont récompensé ce livre me semblent mérités.
Peut-on refaire sa vie ? 10 étoiles

Lu à sa sortie, je me rappelle quand même quelque peu l'enjeu qui est mis en cause. Peut-on refaire sa vie après un échec affectif ? C'est dans la province canadienne de Terre-Neuve que l'auteure, née de parents québécois, plante son décor pour montrer qu'une deuxième chance existe toujours en amour même s'il implique des enfants.

La qualité de l'oeuvre est assurée par le souffle de l'auteure. Souffle qui s'harmonise à la nature et au temps peu généreux de l'île de Terre-Neuve, qui fait face à Saint-Pierre-et-Miquelon. Cette incidence n'est pas un obstacle au bonheur.

Annie Proulx a mérité le prix Pulitzer avec cette oeuvre.

Libris québécis - Montréal - 82 ans - 3 septembre 2014


La possibilité d'une île 7 étoiles

Quoyle est un homme que rien ne peut a priori distinguer des autres, hormis son menton proéminent qu'il s'efforce, tant bien que mal, d'effacer derrière sa main dans un réflexe de protection.

C'est un être sensible et très naïf, la perte de sa femme - une mégère "dénouée" de tout sentiment affectif - l'affecte profondément. Seul l'amour qu'il porte à ses deux filles et une tante très entreprenante lui permettent d'échapper à la léthargie de son deuil pour une icône mensongère.

Le retour aux sources sur l'île de Terre Neuve est pour lui l'occasion d'un long apprentissage au cours duquel il réapprend à vivre. Confronté à la mémoire de ses ancêtres qui ont laissé un mauvais souvenir aux insulaires, à l'aînée de ses filles qui semble présenter des troubles du comportement et à une jeune femme qui l'intrigue dès leur première rencontre, il tente de dénouer les liens qui durant trop longtemps l'ont enserré dans l'écume des illusions.

Après un début un peu difficile, je suis parvenu à m'immerger dans ce roman qui se révèle à la finale captivant. On découvre avec envie l'univers de ces individus fermement ancrés sur leur île, malgré les problèmes économiques qui poussent les autochtones à partir et l'isolement permanent associé à la rudesse du climat.

L'auteure, en débarrassant son écriture de toutes fioritures, rend compte avec beaucoup de simplicité et de justesse du caractère rude des personnages soumis aux coups des autorités lointaines étrangères à leur univers et à ceux de la mer qui les nourrit et les tue en même temps.

Heyrike - Eure - 57 ans - 9 septembre 2007


Retour à Terre-Neuve 8 étoiles

Quoyle n’a vraiment pas été gâté par la vie quand il décide de retourner, avec sa tante et ses deux petites filles, sur la terre de ses aïeux, Terre-Neuve.
Bizarrement, en ce lieu où la vie est dure pour tout le monde, il s’habitue bien à son nouvel environnement, au journal, « L’Eider Cancaneur », auquel il collabore. Il reçoit son premier compliment à 36 ans pour un papier qu’il écrit au sujet d’un bateau qui fait escale à Patte-de-Grappin, où il habite. Les noms de lieux sont magnifiques : Petite Désespérance, Port du Barouf, L’Anse de la Gibecière, Cloche-de-Bois….

Annie Proulx sait allier humour et émotion dans sa description du quotidien de ses personnages. Son style a une sorte de rudesse, qui correspond à merveille au climat et à la vie difficile sur Terre-Neuve.
Certaines anecdotes sont réellement hilarantes, comme le sont les inventaires à la Prévert qu’elle nous sert à plusieurs reprises. Par exemple la liste des petites annonces publiées par L’Eider Cancaneur : « concerts de rock au Salon de la Boule de Neige, pendules, bois de chauffage, aide aux déclarations d’impôts, prises de courant,…silencieux de camions, pierres tombales, …soirée au salon de la Nageoire avec Arthur à l’accordéon…verre de vin gratuit avec les côtes de porc au salon du Coucher de Soleil norvégien… »
Les descriptions des couleurs de la mer, du déchaînement des éléments sont très belles.

Un livre à recommander aux amateurs de mer et de bateaux. En prime, chaque début de chapitre est illustré par un nœud marin et sa définition.

Aria - Paris - - ans - 2 novembre 2005


Le film aussi mérite des étoiles... 8 étoiles

Une écriture âpre et rude, comme le climat de Terre-Neuve, des phrases parfois abruptes, qui ne s'embarrassent pas d'un verbe.... Des personnages pittoresques, tels que ses collègues au journal, ou la tante de Quoyle, femme rude et déterminée à remettre en état la maison familiale.

Une belle chronique sur la reconstruction d'un homme banal, qui va s'intégrer dans la communauté de ses ancêtres, au bout du monde.
Ce roman a reçu le prix Pulitzer et le National Book Award en 1994. Il a été adapté au cinéma par Lässe Halstrom, avec Kevin Spacey, Julianne Moore, et Dazme Judy Dench.
Pour une fois, j'ai cependant préféré le film au roman, dans la mesure où il met plus l'accent sur la culpabilité de Quoyle quand il découvre de quoi vivaient ses ancêtres. Et le fait de voir ces magnifiques paysages sauvages ajoute au plaisir de l'histoire.

Nirvana - Bruxelles - 51 ans - 29 mars 2005


Souvenirs ! 9 étoiles

Cela me fait bien plaisir que quelqu'un écrive la critique de ce livre. L'ayant lu il y a bien longtemps, impossible pour moi de faire une critique tant les souvenirs sont vagues. Mais l'évocation de ce livre me procure toujours du plaisir. Celle du climat rigoureux de Terre Neuve un peu moins, il faut l'avouer...

Manu55 - João Pessoa - 51 ans - 25 mars 2005