Cher Diego, Quiela t'embrasse
de Elena Poniatowska

critiqué par Sibylline, le 23 mars 2005
(Normandie - 74 ans)


La note:  étoiles
Emotionnel
Moins de quatre-vingts pages seulement, mais que l’on repose assez bouleversé. C’est un livre émotionnel. Ca se dit ça : « livre émotionnel »? Emotionnel, mais aussi qui donne à réfléchir sur la vie.
Ce livre est une correspondance fictive entre deux personnages réels. Et encore non. Ce ne sont que les lettres de l’un des personnages, l’autre ne répondant jamais ou si peu que ses écrits ne sont qu’évoqués.
Les deux personnages réels sont Angelina Berloff, russe, et Diego Rivera, Mexicain, peintres tous deux. Ils se sont rencontrés à Bruges puis sont venus vivre à Paris en 1909. Dix ans plus tard, Diego est reparti pour le Mexique, seul. Il n’y avait d’argent que pour un voyage. Il devait s’installer et faire venir Angelina. Mais le temps passe et les longues lettres passionnées d’Angelina ne reçoivent en réponse que de brefs messages avec un peu d’argent. Le doute s’installe. La jeune femme, lui écrit inlassablement et évoque tour à tour l’infidélité du peintre déjà avant son départ, leur fils mort en bas âge, son renoncement à elle (sans regret, mais on en a tant pour elle) à ses plus grands rêves de peintre, leurs amis peintres célèbres, qui s’éloignent, la consolent ou au contraire lui conseillent de ne plus penser à lui.
C’est un ouvrage qui raconte une passion violente (l’amour) et en provoque d’autres, fortes mais complexes, chez le lecteur. Que penser ? Comment juger l’égoïsme forcené de Diego alors qu’il continue à envoyer de l’argent, le talent gâché d’Angelina alors que c’est elle-même qui a négligé tout cela pour mieux servir Rivera, la misère qui a tué l’enfant à une époque où cela était si courant ici même. Jusqu’au bout, Angelina se propose à servir l’homme auquel elle voue un si terrible amour: Je te préparerai tes couleurs. Je ne te dérangerai pas. Pas de révolte chez elle pour les dix ans effacés sans un mot d’explication ni même de déclaration franche. Juste pour le second enfant qu’il lui a refusé, mais il ne souhaitait déjà pas le premier. Pourtant, la souffrance d’Angelina est énorme. Elle est anéantie.
La période de la vie de cette femme dont il est ici question est extrêmement dure aussi bien financièrement et physiquement que sentimentalement. Il est miraculeux qu’au moment de ce bilan si négatif, la folie, la misère et le froid, n’aient pas eu raison d’elle. C’est cela que raconte ce livre et c’est pour cela qu’il ne m’est pas très facile de trouver Rivera vraiment sympathique.
Enfin, n’oublions pas, mais on l’oublie tout au long du livre, que ces lettres n’ont pas vraiment été écrites par Angelina Berloff. Elles sont l’œuvre d’Elena Poniatowska, écrivain mexicain, qui a choisi de raconter ainsi cette poignante histoire. Au Mexique, Diego Rivera fera une brillante carrière, soutiendra la révolution zapatiste qui a toujours eu son approbation, puis finalement deviendra stalinien. Mais ce que je vous dis là, c’est la suite de l’histoire vraie, plus celle racontée dans le livre qui cesse au moment où Angelina choisit de se taire.
Elena Poniatowska, écrivaine mexicaine, comme son nom ne l’indique pas … 7 étoiles

Diego, c’est Diego Riviera, célèbre peintre mexicain contemporain. Quiela, c’est Angelina Beloff, peintre également mais russe. Ils se rencontrent à Paris, passent dix années ensemble, puis Diego Riviera repart vers le Mexique, sans informer Angelina Beloff que c’est sans retour, et surtout sans plus de contacts. Officiellement ils n’avaient assez d’argent que pour un passage et Angelina devait le rejoindre plus tard.
Angelina n’a donc pas considéré le départ de Diego comme une coupure définitive et entretient une relation épistolaire avec lui. Au moins elle essaie puisque lui ne répond pas.
Le roman ( ?, longue nouvelle plutôt, 80 pages) commence là, dans ces lettres qu’envoie Angelina et qui progressivement deviennent plus désespérées :

»Il me semble qu’il s’est passé une éternité depuis la dernière fois que je t’ai écrit et depuis que j’ai eu des nouvelles de toi, Diego. Je n’ai pas voulu t’écrire parce qu’il m’est difficile de taire certaines choses logées dans mon cœur et dont je sais à présent, en pleine connaissance de cause, qu’il est inutile de parler. Je ne prends la plume que parce que je trouverais incorrect de ne pas te remercier pour l’argent que tu m’as envoyé … »

Une note de l’auteur, à la fin, est glaçante :

»… ce n’est qu’en 1935, c’est-à-dire treize ans plus tard, qu’Angelina Beloff réussit à aller au pays de ses rêves, poussée par des amis peintres mexicains. Elle ne chercha pas Diego, elle ne voulait pas le déranger. Lorsqu’ils se rencontrèrent à un concert donné à Bellas Artes, Diego passa à côté d’elle, sans même la reconnaître. »

Leur relation de dix ans – ils sont mariés en fait - a été marquée par la mort d’un enfant et le refus de Diego d’en avoir un second. Il ne reste rien à Angelina qui s’est dévouée corps et âme pour lui.
Ces lettres montrent ce qu’un amour absolu – et manifestement à sens unique – peut produire en termes de sacrifices et de souffrances. Il ne s’agit que de fiction bien sûr ; ce sont les lettres qu’Elena Poniatowska imagine qu’Angelina aurait pu écrire à Diego Riviera.
De fait, ça a conservé pour moi l’aspect d’un exercice de style. Et puis ça ne m’a pas favorablement disposé vis-à-vis de Diego Riviera !

Tistou - - 68 ans - 15 septembre 2020


BEAU, TOUT SIMPLEMENT BEAU… 7 étoiles

Bien avant de devenir un des «géants» de la peinture Mexicaine du XXe siècle, Diego RIVERA (1886-1957), également connu pour ses deux mariages avec l’autre grand peintre Mexicain Frida KAHLO (1907-1954), vivait à Paris. Il était arrivé en 1907, il y restera jusqu’en 1921 avant de repartir dans sa patrie. Durant ses années en France il fréquenta les milieux artistiques de l’époque et se liera avec nombre d’artistes de l’époque : Amedeo MODIGLIANI, Elie FAURE, Pablo PICASSO, Ossip ZADKINE…

Au cours de cette vie passablement agitée, en 1911, il se maria avec Angelina BELOFF (1884-1969) peintre Russe, dont il eut un fils qui mourut en bas âge. Par ailleurs il entretint une liaison pendant six ans avec la peintre Marie «Marevna» VOROBIEFF-STEBELSKA (1892-1984), avec qui il eut d’ailleurs une fille qu’il ne reconnut jamais.
En 1921, il retourna donc au Mexique et c’est justement de cette période dont nous parle l’auteur, en imaginant les lettres qu’Angelina BELOFF aurait écrit à son mari parti de l’autre côté de l’Atlantique.

En effet, Angelina BELOFF devait rejoindre Diego RIVERA aussitôt que celui-ci lui enverrait l’argent pour faire à son tour le voyage vers le Mexique. Bien entendu, cet argent n’arriva jamais. Angelina BELOFF qui se languit de son mari, lui écrit très souvent pour lui demander des nouvelles, lui parler de sa peinture, lui décrire sa vie, lui dire qu’elle l’aime… alors que celui-ci ne lui répondra jamais, ne lui donnera plus jamais signe de vie, et ne la reconnaîtra même pas quand il se reverront au Mexique en 1935… Ce sont ces lettres qu’Elena PONIATOWSKA nous propose dans ce petit livre…

Ce petit livre est une pure merveille de beauté et se lit en quelques heures, j’ai beaucoup aimé le style de l’écrivain, son écriture est belle, raffinée, douce… les mots coulent d’eux-mêmes, s’enchainent les uns après les autres dans une simplicité étonnante… Ces lettres imaginaires sont très belles et la sensibilité de l’auteur affleure merveilleusement surtout quand elles parlent de la mort du fils des deux artistes, quelques années auparavant…

Rien à redire donc sur ce livre, si ce n’est qu’Elena PONIATOWSKA est certainement un grand écrivain à découvrir de toute urgence!..

Septularisen - - - ans - 29 janvier 2009