Le chapeau de monsieur Freud
de Nata Minor

critiqué par Fee carabine, le 3 mars 2005
( - 50 ans)


La note:  étoiles
Quand Sigmund Freud perd son chapeau...
Un beau matin de printemps ensoleillé où l'air des rues de Vienne embaume le seringa, le docteur Freud sort de chez lui, impatient de savourer une belle journée de liberté... Et là, patatra! Il constate, avec stupéfaction, que son chapeau n'est pas son chapeau, "à la place de son nom écrit en toutes lettres, il y avait sur le bandeau deux initiales inconnues, inattendues et qui l'obligèrent à conclure que ce couvre-chef n'était pas le sien". Il n'en faut pas plus pour qu'une belle journée de liberté dans une Vienne printanière prenne une tournure inattendue. Impossible de continuer sa promenade avec ce chapeau d'emprunt. Impossible aussi, pour un respectable "Herr Professor" de sortir sans chapeau. Il ne reste donc plus à notre héros qu'à mener l'enquête pour retrouver son propre couvre-chef et pour restituer l'objet du délit à son propriétaire légitime. Et le docteur Freud de nous dévider ses associations d'idées à partir des initiales marquant le chapeau en sa possession - A.S., évoquant notamment Arthur Schnitzler, le Doppelgänger, le trop semblable, le double, écrivain et incidemment médecin -, et ses associations à partir des multiples rencontres qui émailleront sa journée - souvenirs d'anciens patients, souvenirs des années d'étude et de cet été passé à Trieste à disséquer 400 anguilles (moins une).

Comme je ne suis familière ni des travaux du docteur Freud, ni de l'oeuvre d'Arthur Schnitzler, je serai bien en peine de dire dans quelle mesure Nata Minor a - ou non - pris des libertés avec ses modèles, et dans quelle mesure elle s'est nourrie de leurs oeuvres. Son "Chapeau de monsieur Freud" est en tout cas très joliment écrit, avec beaucoup de finesse et d'humour, et c'est là un court roman qui m'a fait passer une soirée fort agréable.


Un court extrait:

Mais qu'avait donc à faire avec le chapeau, les anguilles, le Double, cette patiente dont il ne pouvait rien sortir, rien obtenir... Non, pas plus qu'Irma elle n'aurait répondu...

Irma toutefois, c'était en rêve. Il avait beau lui dire d'ouvrir grand la bouche, ce n'étaient que cavernes, aires de silence, membranes glauques et déchirées. Seulement dans un rêve, on peut faire ce qu'on veut, interroger jusqu'à l'épuisement, insister sans souci de bienséance, regarder au fond d'une gorge pour y lire le fin mot du secret. Tiens! mais pour cela il eût fallu un laryngoscope! Le laryngoscope du papa, bien sûr! (NDFC: il s'agit du papa d'Arthur Schnitzler, médecin lui aussi et inventeur du dit laryngoscope). On racontait qu'il ne sortait jamais sans l'avoir placé sous son chapeau.
À la recherche du chapeau perdu 7 étoiles

Petit ouvrage bien écrit racontant une journée bien particulière dans la vie de Freud (en fait, une journée imaginée par Nata Minor). Sigmund sort de son domicile et profite d’une magnifique journée pour faire une promenade. Il s’aperçoit rapidement, toutefois, qu’il n’a pas le bon chapeau sur la tête. Cette constatation le perturbe au plus haut point. Si ce n’est pas son chapeau, à qui appartient ce couvre-chef? Et où se trouve le sien? Voilà le grand psychanalyste complètement bouleversé par la chose. Cela suscite de multiples interrogations chez lui.

Ces interrogations sont pour nous source d’amusement. Mais l’ouvrage prend plusieurs directions et l’intérêt du lecteur fait parfois de même. Le roman a l’avantage, toutefois, d’être court. Et sans sombrer dans une psychanalyse trop profonde, le livre nous force à procéder aux mêmes réflexions que ce cher professeur. Bref, une bonne petite lecture.

Leroymarko - Toronto - 51 ans - 12 novembre 2009


Qui a pris le chapeau de Freud ? 8 étoiles

"Mes associations vont trop vite, pensa-t-il, où est la chronologie, Me voilà égaré à cause de ce maudit chapeau, de cette anguille, de la visite de cet inconnu dont le visage en fait surgir d’autres, tant d’autres, vus, imaginés, rêvés, qui en définitive me amènent au point de départ."

Petit livre court et amusant, histoire imaginaire autour du Docteur Freud par un après-midi ensoleillé à Vienne début 1900. Il fait beau, l’occasion rêvée pour Sigmund Freud de parcourir à pied les rues de sa ville. En voulant saluer une amie croisée pendant cette balade, Sigmund Freud s’aperçoit que les initiales cousues à l’intérieur de son chapeau ne sont pas les siennes. Il y lit A.S. Erreur de chapeau ? Comment la confusion a-t-elle été rendue possible ? Manipulation ou accident ? Serait-ce un patient qui aurait échangé son couvre-chef contre celui du scientifique ?

Vous vous doutez bien que dans la tête de Freud, cela tourne tout de suite à réflexion, hypothèse et antithèse, solution, mystère et interrogation. Un véritable labyrinthe de la pensée dans un esprit tortueux dont Nata Minor s’empare avec gourmandise (russe, psychanalyste de formation, traductrice d’écrivains russes et auteur de plusieurs essais).
Nata Minor a mêlé des éléments de la vie de Freud au récit purement imaginaire, donnant une place prépondérante à l’auteur autrichien Arthur Schnitzler. C’est très drôle, vif, l’esprit réfléchit à tout va et part dans toutes les directions, en même temps que celui de Freud. Pas de psychanalyse longuette au rendez-vous mais un bon moment d’humour et de plaisir.

Sahkti - Genève - 50 ans - 3 mars 2005