Emma et le dieu-qui-rit
de Danielle Chaperon

critiqué par Libris québécis, le 19 février 2005
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
L'Adolescence
L'adolescence est un sujet inépuisable, comme d'ailleurs tous les groupes d'âge. Chaque décennie que nous traversons apporte son lot de petites misères, dont les romanciers s'inspirent souvent pour éclairer notre chemin. Danielle Chaperon a choisi de s'intéresser à Emma, une fille de quatorze ans, qui se trouve vieille depuis l'âge de sept ans.

L’héroïne a grandi entre sa grand’mère, qui cache un cœur d’or derrière une façade repoussante, sa tante Gloria, une bonne grosse vivante, et sa mère Dolorès, une ivrogne ouverte à tous les porteurs des chromosomes XY. Emma n’appartient pas à une famille traditionnelle, mais les trois femmes adultes qui font partie de son univers lui ont donné toute l’attention voulue pour qu’elle puisse s’émanciper avec bonheur. Or, la joie de vivre ne caractérise pas les adolescent(e)s. Ce sont des êtres moroses par définition. Ils sont vexés d’appartenir encore au monde de l’enfance alors qu’ils se perçoivent comme des adultes qui n’ont plus rien à apprendre de leurs aînés. C’est dans ce contexte que l’héroïne quitte la maison pour assumer sa féminité.

Son périple mettra sur sa route Raphaël, membre d’une secte, un couple de biologistes pâmés de poulamons et Harold, un culturiste dont elle deviendra amoureuse. Quoique bien accueillie par tous, elle poursuit sa route en quête de ce qui comblera le mieux son narcissisme. Qui voudra la considérer comme le nombril du monde? Difficile de satisfaire quelqu’une de désorientée! Emma aime bien les voyages et les animaux, mais les adultes la déçoivent parce qu’ils ne parviennent pas suffisamment à l’étonner. C’est un défi de surprendre une adolescente qui est née avec la magie de la technologie. Elle est d’autant plus difficile à contenter qu’elle est atteinte d’un spleen qui n’origine d’aucun esprit subversif. Elle vit en dehors de toutes préoccupations sociales ou métaphysiques, à l’exception de la religion qu’elle exècre, ce qui est surprenant pour une fille qui n’a connu que la laïcité.

L’auteur ne recourt pas au mode douloureux pour raconter le drame de son héroïne. L’humour et la parodie sont ses principales armes. Ça amusera si l’on n’est pas trop exigeant. N’est pas humoriste qui veut. Ce roman qui nous présente une adolescente en quête de cohérence souffre du même problème que son héroïne. L’auteur a tenté de dédramatiser la dynamique à laquelle sont soumis les jeunes à une époque cruciale de leur vie; mais, quand on banalise trop la situation, c’est faire fi des difficultés de l’adolescence.