Le der des ders
de Didier Daeninckx

critiqué par Sibylline, le 19 février 2005
(Normandie - 74 ans)


La note:  étoiles
Détective privé en 1920
1919, ancien soldat, rentré du front il y a peu, physiquement indemne, René Griffon s’est fait détective privé. Son fond de commerce : reconnaître les Gueules Cassées que leurs familles réclament, même lorsque cela n’est qu’à fin de divorce, car il est très long d’attendre que le «Disparu» soit homologué «Décédé», ce qui permet «à la vie de continuer». L’action est placée. On est dans le cynisme et l’amertume de l’après-guerre presque aussi désenchantée chez les vainqueurs que chez les vaincus.
Mais pas de soldat inconnu cette fois, l’enquête est un peu différente. Un colonel fait appel à ses services pour réduire à l’impuissance un maître chanteur, et cela sera pour notre héros l’occasion de découvrir encore quelques données qui ne contribueront pas à lui faire retrouver meilleure opinion du monde, de la société, de l’Etat.
Didier Daenincks nous livre là un bon polar, bien écrit et à l’intrigue bien menée, qui capte notre intérêt d’un bout à l’autre. Comme à son habitude, l’œuvre est toute entière portée par la « conscience de classe » de son auteur et son juste désir de pourfendre les injustices sociales. « Ce secteur truffé d’usines métallurgiques, d’ateliers de laminage… En le traversant il n’était pas rare de se prendre des bouffées d’acide en plein nez quand un ouvrier, à demi asphyxié par une trop longue pause au-dessus des bacs d’électrolyse, venait reprendre souffle sur le trottoir. On en rencontrait des dizaines comme ça, entre 15 et 40 ans maxi… » Ce militantisme, cependant, ne nuit en rien au récit.
Mais, à mon avis, la grande réussite de cet ouvrage, c’est d’avoir si bien su faire revivre la France de 1919-1920. Tout est parfait jusque dans les plus petits détails. Je me suis plusieurs fois demandé en le lisant, comment il avait pu mener un tel travail de documentation et savoir tout ce qu’il sait sur ce monde si proche et si lointain. Il n’est pas assez vieux pour l’avoir vécu lui-même. Ces poilus et leurs familles n’étaient même pas ses parents, mais ses grands-parents. Je ne connais pas moi-même aussi bien le monde dans lequel mes grands-parents ont vécu. C’était l’époque des « Fortifs », Levallois était encore à la campagne et tous les foyers n’avaient pas l’électricité. C’était l’époque où il y avait encore si peu de voitures dans les rues qu’il suffisait, même à Paris, de savoir la marque et la couleur du véhicule que l’on recherchait pour le retrouver rapidement. N’imaginez pas, cependant, un épisode de «La brigade du Tigre». L’action et les mentalités sont assez modernes pour que l’on ne retrouve pas du tout le côté désuet de ce feuilleton.
Pour couronner le tout, la fin est tout à fait inattendue.
A lire.
Oui, c'est à lire, ou relire ! 8 étoiles

J'ai fait travailler deux classes de troisième sur cet ouvrage l'année dernière. Mais nous avions aussi lu ensemble l'adaptation en bande dessinée de Jacques Tardi éditée chez Casterman. Ce fut un travail passionant car le texte de Didier Daeninckx est de grande qualité et la version de Tardi n'a rien à lui envier. Il faut dire que ce dernier peint la guerre, la soi disante grande guerre, avec beaucoup de profondeur, d'humanité. Il ne l'a pas connue mais c'est son grand père, un ancien poilu, qui lui a donné envie de la connaitre par ses récits... En tous cas, à lire pour ceux qui ne connaissent pas... et dans les deux versions, bien sûr !

Shelton - Chalon-sur-Saône - 68 ans - 19 février 2005


A découvrir! 8 étoiles

J'ai un bon souvenir de ce polar de Didier Daeninck que j'avais lu dans le cadre de mon mémoire de fin d'études. Il est assez atypique et Sybilline en a fait une excellente critique. La première guerre mondiale et surtout l'après était une période qui m'était totalement inconnue et il est vrai qu'il fait revivre cette époque d'une manière très réaliste.

En effet, la fin est totalement inattendue et surprenante, ce qui est pour moins une grande qualité pour un polar.

Féline - Binche - 46 ans - 19 février 2005