L'art du voyage
de Alain de Botton

critiqué par Clarabel, le 16 février 2005
( - 48 ans)


La note:  étoiles
Sans doute intéressant, mais ...
... les efforts de concentration à déployer créent insidieusement des libres cours au flottement, et du coup la lecture devient nébuleuse ! Dommage. "L'art du voyage" n'est pas en soi un sujet qui m'inspire beaucoup, j'ai voulu donner du crédit à l'auteur, Alain de Botton, que j'aime beaucoup. De lui j'ai aimé les premiers romans philosophiques autour des relations amoureuses, de l'air de rencontrer, d'aimer et de souffrir, et aussi sa perspicace étude de Proust dans la vie quotidienne. Perspicace, Alain de Botton l'est. Philosophe, donc tordu, méthodique, perplexe et remettant tout en question. C'est le propre de son personnage ! Dans "L'art du voyage" il se base sur le fait de quitter Londres plongé dans la grisaille hivernale pour le décor exotique de La Barbade. Mais, en vacances, proche de l'idéal paradisiaque qu'on s'imagine, l'auteur note que la perfection est loin d'être atteinte ! Avant de partir en vacances, il tente de nous faire comprendre que tout se base sur notre disposition mentale ! Se sentir BIEN, HEUREUX, CONTENT ! Apprécier ses vacances FRANCHEMENT. Non pas dévisager l'ensemble d'un oeil sceptique et se poser des questions sur les palmiers, l'horizon bleu, le sable fin, le bungalow à toit de raphia. Accompagné de sa lecture de Huysmans, l'auteur en vient à conclure qu'on idéalse davantage l'inattendu, ou l'attendu, et que la matérialisation s'avère bien souvent décevante, ou loin de l'espéré ! Puis l'auteur va démontrer son propos en trois parties : Motifs, Paysages et Art. En explorant successivement l'exotisme, la curiosité, la campagne et la ville, le sublime, l'art révélateur et la possession de la beauté, l'auteur s'appuie sur ses références. Ainsi, interviennent Baudelaire, Edward Hopper, Flaubert, Humbolt (chapitre peu intéressant), Wordsworth, Edmund Burke, Van Gogh, ou John Ruskin. Quelques illuminations ressortent de ce récit : Le mot "exotisme" suggère que le charme d'un lieu étranger provient simplement de la nouveauté et du changement. La "beauté" de la nature peut nous inciter à cultiver ce qu'il y a de bon en nous. La marque de tout grand peintre nous permet de voir plus clairement certains aspects du monde. Et si nous aimons l'oeuvre du peintre, c'est peut-être parce que nous estimons qu'il ou elle a choisi les aspects qui nous semblent les plus précieux dans un objet ou un paysage. L'efficacité de la "peinture verbale" est due à ne pas décrire seulement l'aspect d'un lieu mais analyser aussi son charme en termes psychologiques. Bref, pour conclure, l'auteur suggère malicieusement "Voyage autour de ma chambre" de Xavier de Maistre et encourage avant de partir pour de lointaines contrées de remarquer ce que "nous n'avons fait que voir", c'est à dire faire le tour de son quartier par exemple et le regarder VRAIMENT comme pour la première fois ! Déroutant ! Une conclusion qui vise à revoir son "art du voyage" !
Partir... 8 étoiles

Si vous éprouvez une attirance indéfinissable pour les stations d'essence sur les autoroutes, les hôtels, les halls de gare et d'aéroport, les voyages en train et en avion; si vous êtes fascinés par certaines toiles de Edouard Hopper, desquelles se dégage un étrange sentiment de solitude, une solitude non pas triste mais plutôt réconfortante : alors il y a de fortes chances que ce livre soit pour vous.

Les deux premiers chapitres surtout, ceux dans lesquels l'auteur nous fait voyager en compagnie de Baudelaire et de Hopper. On apprend que notre fascination pour les départs est une aspiration à un monde meilleur dans nos vie quotidienne, un désir de s'éléver au-dessus des contingences de nos petites vies. Goûter l'atmosphère de solitude fraternelle typique des relais sur l'autoroute ou d'un trajet solitaire en train s'explique alors par un noble élan poétique. Ce qui m'a particulièrement intéressé est un passage sur le fascinant tableau de Hopper appelé Automat, qui représente une femme plongée dans son monde intérieur dans une salle de café déserte. Ce tableau procure un sentiment de bonheur au spectateur malgré l'indéfinissable solitude qui s'en dégage. C'est le même principe que les icônes de la vierge Marie, où elle est toujours triste, ceci afin de réconforter celui qui la regarde car il se sent accompagné dans sa douleur.

Après Baudelaire et Hopper, l'auteur nous mène en voyage accompagné d'autres illustres personnages et c'est toujours aussi bien écrit et amusant quoique un peu inégal. Notamment : comment profiter de la nature pour fortifier notre âme, comment dessiner les paysages pour apprendre à les remarquer et pas seulement les voir, et comment regarder notre propre quartier avec des yeux nouveaux.

Comme toujours avec de Botton je me suis bien amusé et en passant j'ai appris pas mal de choses, notamment sur moi-même, ce qui est toujours ça de pris. J'aime beaucoup le ton décalé et l'humour de cet auteur dont j'ai lu la plupart des livres. Cet essai est incontournable pour les amateurs de voyages.

Saule - Bruxelles - 59 ans - 11 janvier 2007