Un nommé Peter Karras
de George P. Pelecanos

critiqué par Flyingcow, le 11 février 2005
(Paris - 50 ans)


La note:  étoiles
Agréablement surprise
4 ème de couverture :
"Pour Peter Karras, tuer n’est pas un problème. Mais trahir ses amis, sa famille ou ses compatriotes, ce n’est pas dans sa nature. Karras a grandi et gagné ses galons de voyou dans la jungle urbaine de Washington DC, dans les années 1930. Pour un gosse d’immigrés grecs, comme pour son ami Joe, le Rital, c’était ça ou la misère. Les paris truqués, le racket, le crime organisé, ce sont les affaires courantes. Mais quand un psychopathe commence à assassiner les prostituées du quartier, plus question de suivre l’organisation. Dès lors, ses jours sont comptés. Peter doit sauver sa peau. Il doit surtout retrouver en lui l’homme d’honneur qui rêvait de conquérir dignement l’Amérique. "

Mon avis :

Je ne m’attendais pas du tout à ce genre de bouquin. En fait l’histoire du sérial killer est traitée en second plan, ce n’est pas l’intrigue principale de l’histoire. Mais en fait j’ai été agréablement surprise par ce livre.

Je m’y suis plongée directement. Dès les premières pages on se sent proches des personnages… On s’imagine le quartier du héros dans les années 30. On pourrait même apprendre le grec (bon là ça aurait été cool que l’auteur nous mette les traductions de certaines conversations grecques, mais bon le contexte permet de deviner la réplique grecque qui se glisse par ci par là..).

On découvre donc la vie de Peter Karras depuis son enfance, jusqu’à sa vie adulte.

On découvre aussi un peu le milieu de la boxe.
On découvre la vie d’un marine à la guerre.
On découvre aussi le milieu du raquetage : des bandes sèment la terreur dans les commerces pour que les tenanciers acceptent de payer une protection.

On découvre les tensions entre le milieu blanc et le milieu noir.

On découvre les attentes et la vie de ces immigrés grecs… italiens qui sont venus voir le rêve américain de près.

Bref un chouette bouquin que je n’ai pas du tout regretté d’avoir lu
Une ville nommée Washington DC 9 étoiles

Quand on lit un roman de George Pelecanos, on a l’impression de vivre dans Washington avec ses rues dont la dénomination suit l’alphabet d’Est en Ouest et les chiffres du Nord au Sud ; on voit les personnages qui y vivent comme des connaissances ; on s’intéresse au sort des noirs ou à celui des petits immigrés d’Europe centrale ou du Sud ; on vit l’Histoire de la ville à travers les péripéties qu’ont traversées les Etats-Unis: les guerres, les revendications raciales, la poussée sociale, le libéralisme économique.
Cet ouvrage est une bonne introduction à l’univers de l’auteur. On y retrouve ces personnages, flics, truands, prostituées, petits commerçants dont certains sortent du traumatisme de la guerre de 40-45, d’autres qui ont profité de cette période de transition pour asseoir une situation, la plupart essaient de vivre tout simplement par leur travail ou par les opportunités que leur offre cette nouvelle société d’une Amérique pleine de promesses mais aussi pleine de nouveaux dangers.
On suit donc avec intérêt quelques personnages d’origine grecque dont Pete Karras, héros de la guerre dans le Pacifique qui rentré au pays s’est laissé attirer par des « sirènes » qui l’ont finalement traumatisé physiquement et moralement. Avec la générosité qui caractérise l’auteur, il nous montre le parcours de son personnage principal ainsi que celui de ses amis d’enfance diversement intégrés dans la nouvelle Société. S’ensuivent des scènes où érotisme, violence, enquêtes, bagarres, meurtres sont légion. La société américaine change, ses pratiques aussi et certains vont en sortir grandis, d’autres meurtris, d’autres payeront de leur vie le passage à une autre ère. Un grand polar justement récompensé par des prix et un grand livre de vie signé George Pelecanos, un auteur à suivre toujours !

Ardeo - Flémalle - 77 ans - 23 juin 2014


Un nommé Peter karras 8 étoiles

Je me suis longtemps demandé ce que j'allais bien pouvoir écrire à propos de ce livre que j'ai apprécié énormément. Un certain fatalisme guide le personnage central, Peter; il accepte ou semble accepter son handicap dû au passage à tabac dont il ressort estropié. Pas de révolte ou de vengeance immédiates, il bosse dans ce bar, s'occupe peu de sa femme et de son fils, la trompe, il mène sa vie comme il l'entend, personne ne lui fait d'ailleurs le moindre reproche; sa vie est une routine, impossible de savoir s'il est heureux ou non, j'aurais tendance à dire que c'est un pauvre mec, il promène sa carcasse un peu partout dans Washington qu'il connaît comme sa poche, il fume comme un pompier.
Seul Florek, le jeune Polonais, semble lui donner un objectif dans sa petite vie minable. Florek lui donnera l'occasion de régler ses comptes. Peter Karras est mort mais il le sait depuis très, très longtemps.
Impossible de ne pas être englouti par l'atmosphère de ce bouquin, ambiance magistralement rendue. Les dialogues sont courts, incisifs mais c'est amplement suffisant. Moins on en dit, mieux c'est. Les silences sont tellement éloquents. Karras va au devant de son destin sans bruit, sans peur. Les références musicales qui parsèment l'ouvrage sont autant de points lumineux. On a envie de crier, de hurler: "Peter, ne fais pas le con, tu peux encore faire marche arrière". Rien ni personne ne peut infléchir le destin de cet homme qui agace et met le lecteur en rogne. Il n'est ni têtu ni obstiné; il nous dit simplement: "c'est comme cela". L'amitié indéfectible entre les personnages est une autre constante, peut-être bien le thème central du livre. Chapeau bas, George.

Jean56 - - 68 ans - 19 novembre 2011


Portrait à l'encre de Chine d'une génération perdue 8 étoiles

Non, "Un nommé Peter Karras" n'est pas juste une banale histoire de psychopate qui massacre une prostituée après l'autre... Comme le dit très bien Flyingcow (à laquelle je souhaite la bienvenue au passage, et je profite de l'occasion pour attirer ton attention sur le forum http://critiqueslibres.com/i.php/forum/… , c'est qu'une vache volante a de quoi piquer notre curiosité ;-)), "Un nommé Peter Karras" est beaucoup plus que cela...

George Pelecanos y dresse un très beau tableau, fourmillant de vie de la Washington des quartiers modestes, bien loin des cercles du pouvoir et d'une certaine maison blanche. Et il nous donne surtout un admirable portrait de ces enfants d'émigrés qui ont cru au rêve américain. Un rêve qui s'est vite fracassé pour ces éclopés de la 2ème guerre mondiale, réduits au rôle d'hommes de main du parrain du quartier, ou pire - toute honte bue - plongeurs dans le resto d'un copain plus chanceux. Des hommes perdus entre le traintrain quotidien, l'appartement étouffant où leur légitime mitonne soigneusement le repas du soir et ces femmes tellement plus belles et mystérieuses, fuyantes et inacessibles que l'on retrouve le temps à peine d'une étreinte ou d'un rêve...

Un livre noir de noir, fusain et encre de Chine, dont je garde un très bon souvenir. Une lecture très recommandable!

Fee carabine - - 50 ans - 12 février 2005