critiqué par Saint-Germain-des-Prés, le 9 février 2005
(Liernu - 56 ans)

La note: étoiles

Inverara, où les tourments de la mer se multiplient dans les âmes

Dans cette histoire qui se passe sur Inverara, petite île irlandaise, l’évolution des passions est en totale cohérence avec celle des saisons. Tout commence en hiver, lorsqu’un étranger, Fergus O’Connor, débarque à Inverara. Il semblerait que ses médecins lui aient ordonné cette retraite pour soigner ses nerfs. « L’Etranger » loue une petite chambre chez John le Rouge et la Petite Mary, un couple qui s’exècre. En hiver, il fait bigrement froid, et la mer se déchaîne, et il fait froid dans les cœurs de cette chaumière où la haine est palpable. Comme si l’atmosphère n’était pas assez électrisée, l’Etranger finit par remarquer que la Petite Mary est un bien joli brin de femme… et que John le Rouge n’a rien d’un mari pour elle…

Mais l’Etranger ne veut pas céder à ses pulsions, il n’est pas un animal, son intellect devrait être capable de dominer son cœur. Il hésite, tantôt cœur, tantôt intellect, un coup séducteur, un coup décourageant. C’est dans cette bataille que Liam O’Flaherty montre sa puissance. Son style est indéniablement bon, il décrit comme personne la mer dans tous ses états, l’âme dans tous ses états. Les pensées s’enchevêtrent, se bousculent, cherchent une issue. La tension monte, on sent que l’explosion est imminente, les villageois s’en mêlent, John le Rouge écume de rage, la Petite Mary tremble…

Ce roman n’est pas détendant, il est sombre. Et question tourments, on peut dire qu’il sait y faire, le Liam ! Quelques extraits, dont le premier, non seulement bien écrit, est d’une noirceur absolument savoureuse…

« Les cris des oiseaux marins qui tournoyaient autour de la demeure résonnaient lugubrement. On aurait dit que l’on avait arraché le couvercle bouchant l’entrée des enfers et que les hurlements des damnés remontaient à la surface depuis des cavernes éloignées. » (Image frappante, on s’y croirait, en tout cas, moi je les ai entendus, ces oiseaux !)

« Il obéissait à la voix de son Ame Noire. C’était celle qui satisfaisait le mieux sa vanité. Ainsi, il est plus aisé de se gausser de la vie que de donner une pomme à un enfant. » (Inspiré par le dalaï-lama ?)

« On eût dit que l’île était couchée dans la mer et rêvait à l’immensité de l’univers. » (Et même capable de poésie…)