Bouvard et Pécuchet
de Gustave Flaubert

critiqué par Monito, le 7 février 2005
( - 52 ans)


La note:  étoiles
Savoirs, relativisme, scepticisme…
Dernier ouvrage, inachevé, de Gustave Flaubert, ce roman comme le dit Guy de Maupassant est un véritable conte philosophique. D’un point de départ insignifiant, deux hommes approchant la cinquantaine ayant chacun une vie parfaitement inintéressante, partent grâce aux caprices de l’héritage, s’installer en Normandie, pour n’y rien faire…sauf toucher à toutes les formes de savoir.
Le jardinage, l’agriculture, la chimie, la médecine, l’astronomie, l’archéologie, l’histoire, le magnétisme, la sorcellerie, la philosophie, la religion, l’éducation, ces savoirs, ces besoins de savoir se succèdent. Nos deux petits bourgeois guère éduqués apprennent, découvrent, confrontent et partage des savoirs qui se contredisent les uns les autres. Un autre savoir vient alors comme un moyen de contourner ou détourner ces contradictions…ils s’y plongent et retrouvent les mêmes abîmes.
Leurs pérégrinations, les ouvertures au monde, auxquelles ils adhèrent parfois, sont bien évidemment en pleine contradiction avec la morale bien pensante de cette Normandie profonde : occasion de jeter un œil sévère et caustique sur ce milieu du XIXème siècle, les évolutions politiques et les immanences sociales.
Tout Flaubert est là ; un style, des phrases courtes où tous les mots font sens. Une recherche poussée à l’extrême : des références à faire peur…
Pas si peur que cela finalement quand on voit le devenir de nos deux amis, Bouvard et Pécuchet.
Un livre qui nous invite au scepticisme, à la relativité de tout ce que l’on sait ou croit savoir. Un livre aussi qui invite au savoir, tout simplement pour essayer de comprendre ce qui au final reste toujours incompréhensible : comment en sommes-nous arrivés là ?
Clap de fin 10 étoiles

Le dernier roman de Flaubert, resté inachevé (il aurait dû y avoir deux tomes, il n'y en a qu'un, le dernier chapitre est incomplet). En tant que tel, c'est déjà un monument de la littérature, un roman étonnant, sorte de "A Rebours" en plus étendu, en version amusante, et avant l'heure (de quelques années).
Deux greffiers assez ignares veulent approfondir TOUTES leurs connaissances, dans TOUS les domaines. Echec sur toute la ligne à chaque fois ! Un roman sur le savoir, qu'il faut absolument lire.

Bookivore - MENUCOURT - 42 ans - 12 mars 2015


Attachants 8 étoiles

Deux hommes ordinaires, employés de bureau à Paris deviennent amis et décident de s’établir à la campagne pour enfin vivre une vie digne d’eux.
Leur voyage dans la connaissance, toujours marqué du sceau de l’échec à chaque tentative rend ces deux personnages assez sympathiques. Curieux de tout, mais finalement médiocres, ils sont sans doute aux yeux de Flaubert l’incarnation de la médiocrité de la petite bourgeoisie qui regarde le reste du monde avec dédain et condescendance. Eux savent, les autres sont au choix des ignorants, des réactionnaires, des superstitieux… on croirait avoir à faire à des bobos du Marais…
Pourtant ces deux personnages sont attachants… D’où vient donc ce sentiment ? Sans doute de la sincérité de leur approche, ces deux lascars veulent être meilleurs, ils cherchent, comme nous tous, un sens à leur vie misérable, et leur réaction pitoyable envers leurs prochains n’est qu’en fonction des informations et des connaissances qu’ils ont accumulées. La critique de Flaubert est plus large, celui-ci s’attaque à l’ensemble de la société de ce bourg normand, le châtelain, le garde-chasse, le curé, le notaire, tous sont dépeints sous un jour défavorable… Comédie enlevée, Bouvard et Pécuchet se lit très bien, grâce au style impeccable de l’auteur, que je n’hésite pas à qualifier de meilleur styliste français. Le roman tend à diminuer d’intensité au trois-quarts avant de regagner son intérêt lors de l’épisode de l’éducation de Victor et Victorine… souvent drôle, le roman dresse un portrait grinçant de la campagne et des jeux de pouvoir qui animent la petite bourgeoisie.

Vince92 - Zürich - 47 ans - 3 février 2015


Une oeuvre, hélas méconnue ! 10 étoiles

C'est du pur bonheur de découvrir la nouvelle vie que s'offrent deux "tout petits bonhommes", à la vie étriquée, qui tout à coup se retrouvent avec l’argent nécessaire pour se permettre de re démarrer !
Et, ils tentent : expériences sur expériences, échecs sur échecs, ils se relèvent et recommencent ,à chaque fois aussi enthousiastes !

C'est drôle, attendrissant, parfois loufoque et pas si idiot dans ce qu'ils touchent même s'ils sont d'éternels perdants ...

Je n'aime pas trop Kundera, mais si Lisancius cite un tel hommage de cet auteur, pour une fois je serai d'accord avec lui (Kundera) pas avec Lisancius qui n'a pas aimé la recherche effrénée de nos deux héros !

De l'humour, de la distanciation, des recherches folles mais honnêtes
pour le lecteur : du plaisir !

Et un Flaubert qui n'a rien à voir avec Mme Bovary (que j'adore) ni avec Salaambô (que je n'ai jamais réussi à lire au delà de la page 30, d'accord, c'est la honte , j'assume !), un Flaubert, plein d'humour qu'on a du coup, envie de rencontrer

Ce livre est superbe et détonnant : lisez-le pour votre plaisir et pour rappeler qu'il y a plusieurs Flaubert

DE GOUGE - Nantes - 68 ans - 6 novembre 2011


Ils me font pitié ces deux lascars 6 étoiles

la seule chose qu’ils réussissent est de tout rater et se mettre le village à dos.
Au début, on s’amuse, ensuite on se lasse . A force de se documenter leur culture est grande comme leur naïveté et il faut bien le dire, leur bêtise. On finit par les prendre en pitié, car ils n'ont rien de méchant mais on comprend que tout le village en a marre de ces deux-là .
La documentation rigoureuse de Flaubert est remarquable, mais pousse à lire en diagonale les longues dissertations sur les sujets les plus divers, dans lesquels se noie le style alerte de Flaubert .
La fin est inexistante, et pour cause , seules les notes de Flaubert nous laissent supposer que l’accumulation de déboires finit par les faire retourner à leur état du début.

Ne fait pas partie de mes livres à relire.

Krapouto - Angouleme Charente - 79 ans - 4 mars 2011


drôle et absurde 8 étoiles

J'ai lu "Bouvard et Pécuchet" et ce roman inachevé de Flaubert où deux copistes à la retraite décident de TOUT tester, de la littérature au jardinage, en passant par les sciences occultes, de la médecine à l'hypnose, de l'agriculture à la religion. Le schéma est simple et assez répétitif, ils étudient quelque chose en lisant tous les livres qu'ils peuvent trouver et en débattent ensemble, arrivent à de premiers résultats concluants, mais un évènement les amène fatalement à se planter et à abandonner la science étudiée pour en étudier une autre (le schéma se répète quasiment avec toutes les sciences.)

Un roman comique? Non car si Flaubert ridiculise ces deux (anti-)héros, quelque pages plus loin ils arrivent à décontenancer le "spécialiste" (le curé, le médecin,...) qui attire cette fois les rires du lecteur car voir un spécialiste d'une science ne pas trouver d'argument face à une contestation de deux amateurs qui n'ont pas compris grand chose à la science étudiée, mais qui par hasard ont obtenu des résultats. Le livre aurait été vraiment une farce si Flaubert avait fait de Bouvard et Pécuchet deux idiots qui étudient mais ne comprennent rien, mais au lieu de ça le running gag (ils se plantent pour finir à chaque fois) est compensé par des moments où les personnages réussissent par hasard (l'hypnose) donc ils sont moins bêtes que l'on imagine.

Si Flaubert avait été jusqu'au bout de la stupidité des personnages, la farce aurait été plus drôle. Bon on rit quand même bien à leurs dépends et ce livre nous prouve que l'enseignement est quand même un métier, il faut sélectionner des sources pertinentes, nos deux copistes font l'inverse.

Qu'aurait été le roman si Flaubert l'avait achevé et relu?

Killeur.extreme - Genève - 42 ans - 13 juillet 2010


Deux cancres essoufflés. 5 étoiles

L'expression est de Kundera ; il déplore le suffrage inexistant des critiques contemporains pour Bouvard et Pécuchet, qui, tels "deux cancres essoufflés" arrivent en dernier dans je-ne-sais quelle liste.
Pourtant, ils le mériteraient !
Flaubert a écrit quatre oeuvres, deux de génies, deux à mon sens complètement obsolètes ou désuètes. Bouvard et Pécuchet est de celles-ci : quel ennui ! Quelle redondance ! Quel humour facile et faible ! Où est le style magique de Salammbô ? Où est la finesse romanesque de Madame Bovary ? On dirait que Flaubert a barbouillé son manuscrit avec une peinture illisible !
J'ai eu beaucoup de mal à finir ce roman - évidemment puisqu'il est inachevé - mais les quatre cents pages que j'en ai lu sont mal passées. Que c'est lourd, que c'est indigeste ! Et c'est l'un des plus grands auteurs du XIXème siècle qui a pondu ceci ? Il aurait mieux fallu qu'il suive les conseils de ses amis, et ne publie que quelques cents pages qui reprendraient cette idée. Au lieu de cela, il discours sur la cuisine, la médecine, l'astronomie, la phrénologie, la magie, le jardinage, et j'en passe ... Au début, on rit de bon coeur - l'incipit est excellent, il sauve le tout - mais au bout de cinq chapitres, on a compris ! Nos deux anti-héros agacent.
La critique de l'ignorance et du stéréotype est bien meilleure dans le Dictionnaire des Idées reçues !

Lu entre "A l'ombre des jeunes filles en fleur" (Proust) et "Un barrage contre le pacifique" (Duras)

Lisancius - Poissy - - ans - 6 juillet 2010