Ô luxure ou La maison des bouddhas bienheureux
de João Ubaldo Ribeiro

critiqué par Lamanus, le 5 février 2005
(Bergerac - 65 ans)


La note:  étoiles
CHAUDS LES MARRONS CHAUDS
Ô luxure, tout est contenu dans le titre. Un livre que les puritains liront en s’étranglant la libido. João Ubaldo Ribeiro n’y est pas allé avec le dos de la cuillère. En gros, et pour reprendre une expression de l’auteur : un livre où l’on baise à couilles rabattues. Mais cela suffit-il pour nous envoyer au septième ciel ?

Dans l’excellente collection Motifs, les éditions Le serpent à plumes nous offrent la resucée d’un livre de João Ubaldo Ribeiro paru en 2001 chez le même éditeur. N’ayant pas eu l’heur de lire la première mouture, j’ai donc collé à la culotte de la seconde.

Premier alternative : dois-je ou non m’introduire subrepticement dans le texte et me parer de la rhétorique de l’auteur pour commenter son livre ? Si oui les quelques lignes qui vont suivre vont se consteller d’un nombre astronomique de couilles, bites, culs, vagins, sodomies, galipettes, fellations, cunnilingus, broute minou, pompiers, jambes en l’air, zigounettes, enculades, partouze, triolet, pédérastie, plumes, doubles pénétrations, godemichés, branlettes, lesbiennes, incestes, trous duc’… et autres gâteries.

Deuxième alternative : prendre position sur la croupe d’une attitude décalée, en minaudant du bout des lèvres en cul de poule et en expliquant que oui mais… non ou alors… il faudrait que… Bref peut-on rester de glace devant cette immense farce de verges et cramouilles réunies dans ce bouquin à la couverture rouge sang et au graphisme moderato lubrique ?

Le plus simple : le sujet. Une vieille dame — des comme ça on en trouve pas à tout les coins de rue, une grand-mère taillée sur ce format relève du mythe ou de la chimère, il ferait beau voir que nous, braves petits Français, nous ayons une mémé de cet acabit, cela ne peut exister qu’au Brésil — enregistre sur bandes ses mémoires olé olé, quelqu’un les dactylographie et les transmet à l’auteur. Sacré João Ubaldo, à qui arriverait-il une pareille chance ?

Le plus hard : l’intérieur du bouquin. Bien sûr il y a de l’humour, mais surtout du cul et du cul et encore du cul à quasiment chaque page. Heureusement João Ubaldo Ribeiro (j’adore ces noms brésiliens, à tel point que je ne me lasse pas de les écrire et d’imaginer la prononciation la plus adéquate, Yoiao Oubaldooooo Ribèèèèèèèèèèèèèèro) sait écrire, a de le culture, et nous balance sa purée du bout de sa plume l’air de rien, d’un jet parfaitement naturel. Ce qui, on en conviendra, est un tour de force.

Toutefois, après deux cent cinquante pages collantes à souhait, d’introductions diverses, de léchages à répétition, de tourniquets chinois et de multiples intromissions charnelles, nous sommes en droit de nous demander : Bon et alors ? Toute cette profusion de sperme et de salive à quoi ça sert ? Sinon à nous mettre dans la peau d’un voyeur qui constate, découvre, siffle d’admiration, est écœuré et se sent statistiquement, dans le cas d’un homme (il en faut une de 20 x 16 pour en être un selon mémère), en dessous de la norme. Nous n’atteignons pas le septième ciel parce qu’il y a un côté jeu du cirque désagréable dans ce roman. Nous restons au purgatoire ce qui n’est déjà pas si mal.

Ô luxure s’avère malgré tout très au-dessus de ce qui se fait dans le genre. Grâce à la verve et au talent d’écrivain de João Ubaldo Ribeiro, il n’y a pas au bout du compte cette sensation d’étouffement et de dégoût que l’on ressent généralement devant ce type de production. Même si la lassitude dans les dernières pages nous invite à retourner lire Blanche neige et les sept nains — une coupe de 50 à 70 pages aurait donné de la vigueur à la chose —, il ne faut pas bouder le plaisir qu’on peut avoir en lisant ce livre. Un plaisir qui rappelle celui qu’on avait dans notre jeune âge en feuilletant le catalogue Damart de nos mamans aux pages des sous-vêtements.

Ô luxure s’adresse aux âmes averties, inverties, extraverties. Qu’il est loin le temps d’Histoire d’O, en écrivant cela je me fais l’impression d’être un vieux c…

Allez tous après moi : Yoiao Oubaldooooo Ribèèèèèèèèèèèèèèro !