Toute ma vie sera mensonge
de Henri Troyat

critiqué par CC.RIDER, le 8 décembre 2025
( - 67 ans)


La note:  étoiles
Exaltation, trahison et mensonge
À Paris, en 1943, Vincent, 17 ans, jeune exalté, s'efforce de se trouver une raison de vivre. Il écrit ses premiers poèmes et ne se sent pas à son aise dans l'ambiance un peu particulière du foyer reconstitué par son père suite au décès accidentel de sa mère. Il déteste Constance, sa nouvelle belle-mère, qui a ouvert un luxueux restaurant, « La Poivrière » que fréquentent le gratin parisien et bon nombre d'officiers allemands. Le garçon y étouffe, à la fois honteux et ravi de bénéficier d'un sort privilégié pendant que la France grelotte et se serre la ceinture. Dans son désarroi, il cherche refuge auprès de sa sœur aînée, Valérie qui dispose déjà d'un petit studio et à qui il voue une tendresse éperdue. Les deux jeunes traversent cette période trouble de restrictions, d'alertes, de couvre-feux et d'arrestations arbitraires avec une légèreté qui frise l'inconscience. Mais bientôt, l'envie, la jalousie viennent troubler cet amour fraternel. La trahison survient et le mensonge également. Ainsi, toute la vie de Vincent sera mensonge…
« Toute ma vie sera mensonge » est un roman sentimental ayant pour cadre le Paris de l'occupation allemande avec ses collaborateurs et ses résistants, ses privations pour certains et ses enrichissements rapides pour d'autres. L'ambiance glauque de ces deux années est très bien rendue tout comme les affres sentimentales du jeune Vincent qui se retrouvera piégé, partagé qu'il est entre plusieurs états d'âme. Le lecteur y découvrira ce transfert d'attachement du garçon pour sa sœur aînée qui reprend le rôle de la mère adorée et trop vite disparue. Tout tourne ensuite autour de la culpabilité et de l'obligation de maintenir un mensonge. L'histoire fort bien contée ne s'achève pas par un drame pour Vincent qui finit quand même par tout perdre, mais de façon prosaïque et même presque banale. La vie est ainsi faite que tout le monde ne devient pas Musset, Hugo ou Baudelaire. Inutile de rappeler la qualité du style du regretté Troyat, plein de finesse, de retenue, loin du verbiage et des longues envolées lyriques bien qu'on puisse y trouver ici ou là quelque influence d'un certain Dostoïevski dans cette triste histoire.