La lumière volée
de Hubert Mingarelli

critiqué par Clarabel, le 29 janvier 2005
( - 48 ans)


La note:  étoiles
Confondant
D'abord, j'ai lu tout le livre sans m'imaginer une seconde que le jeune Elie pouvait être un garçon de onze ans ! C'est en relisant la quatrième de couverture que je me suis aperçue de ma confusion ! Qu'avais-je compris alors ? Pour moi, Elie était un homme esseulé, errant et simple d'esprit. Débarqué de Ludlin, il s'est réfugié dans un cimetière près de Varsovie, derrière la tombe d'un certain Joseph Cytrin. Avec juste une couverture, une gourde et de l'argent caché dans la doublure de son manteau.
Un soir il va rencontrer Gad, un szmugler du ghetto de Varsovie, adolescent plus âgé, plus dégourdi, enragé et parfois méchant avec Elie. L'amitié entre eux va naître nuit après nuit, sans aucune brusquerie, de temps en temps avec fâcherie, mais surtout avec le projet insensé de s'installer ensemble à Paris, dans un appartement avec verrière.

"La lumière volée" est un vase clos. Idéale pour être adapté au théâtre, je trouve ! On ne quitte jamais Elie, on écoute ses monologues lorsqu'il tourne autour de la tombe et parle dans le vide, ou plutôt à ce Joseph sous terre. Même lorsqu'il part en fin de journée acheter sa nourriture au restaurant de Clara, on connaît son parcours parce qu'il raconte tout en revenant.
Scène centrale : le cimetière. Elie, Gad, deux garçons en péril. La tombe de ce Joseph Cytrin est le point de mire de toute l'histoire. Attachante, poétique mais triste. Prémice de mauvais augures. Je suis même étonnée que ce livre soit paru sous la bannière des éditions Folio Junior !
Une chose bizarre 9 étoiles

Ca peut pas être une fin deux coups de feu claquèrent et de nouveau ce fut la nuit. C'est pas une fin ça

Alessiast - - 15 ans - 21 décembre 2018


Ghetto de Varsovie 8 étoiles

Serait-ce la localisation, spatiale aussi bien que temporelle, qui donne une gravité plus marquée à cet ouvrage parmi les premiers d’Hubert Mingarelli (1993) ? C’est bien possible ; le ghetto de Varsovie, en 1942, reste un symbole de ce que l’homme peut faire de pire à ses semblables. Pourtant la collection dans laquelle il est sorti (« Page blanche », chez « Gallimard Jeunesse »), le destine à la jeunesse - d’ailleurs les premières œuvres d’Hubert Mingarelli sont sorties dans cette collection, il devait être ressenti comme un auteur pour la jeunesse ?
Cela dit, le style d’Hubert Mingarelli permet de traiter les sujets les moins « enfantins » pour une destination jeunesse. Ca dépend notamment de l’angle d’attaque et l’on sait que ceux d’Hubert Mingarelli sont des angles humbles, que ses attentions dans une histoire vont aux détails humains, à la petite histoire dans l’Histoire en sorte, à hauteur d’homme et en l’occurrence d’enfants ici, même si l’expression est galvaudée.

« Elie était allongé contre la tombe de Josef Cytrin. Il avait trop mangé au restaurant Szulc et ne parvenait pas à dormir ; comme le lit d’herbe et de fleurs sèches qu’il avait étendu sous la couverture s’affaissait peu à peu, il avait mal à la hanche.
Il se souleva sur un coude et cala sa joue dans une main.
Il regarda la lune aux trois quarts ronde.
Il lui venait, lointains, les échos d’une poursuite dans le nord du cimetière. C’était l’un des passages du trafic entre le ghetto et le reste de Varsovie. »

C’est ainsi que commence « Lumière volée » et, si ambiguïté il y avait, elle est rapidement levée. On comprend assez rapidement qu’Elie est un enfant d’une dizaine d’années, qui survit, seul, dans un cimetière couchant la nuit sur une tombe, au sein du ghetto de Varsovie, au pire moment de l’Histoire.
Intervient très rapidement la rencontre avec Gad, quelques paragraphes après l’introduction citée plus haut, un gamin apparemment plus débrouillé qu’Elie, qui lui, pratique la contrebande pour amener de la nourriture dans le ghetto.
Vous connaissez Hubert Mingarelli ? (sinon je vous le dis !) Avec Elie et Gad, il a sa matière pour écrire un roman. Nous n’aurons donc jusqu’à la fin guère plus d’intervenants. Ce sont les relations Elie/Gad et ce qu’elles peuvent révéler de la situation du ghetto qui intéressent Hubert Mingarelli, « l’entomologiste » des relations plus couramment fils/père ou homme/homme. Ici enfant/enfant. Mâles les enfants.
Vous vous doutez bien que ça ne va probablement pas bien finir tout ça. Le lieu n’y prédispose pas. Et l’ouvrage a beau être tourné vers la jeunesse, on n’échappe pas à la malédiction du lieu. Tournée tout en délicatesse et en suggestions.
Pour ce troisième ouvrage d’Hubert Mingarelli, les composantes de sa « façon » sont déjà en place : un quasi huis clos, deux hommes (enfants) dont les relations, le moindre mot échangé, sont disséqués à la loupe, une sensibilité exacerbée.
C’est au final tout à fait adapté à une lecture jeunesse. Plus tard Hubert Mingarelli ne déviera finalement pas de cette ligne de construction de base de ses romans. C’est une continuité comme on en voit peu …

Tistou - - 68 ans - 7 juillet 2015


une bulle dans l'horreur du monde 7 étoiles

Court récit d’Hubert Mingarelli publié dans une collection pour ados, page blanche chez Gallimard (avant la parution en folio junior). C’est une histoire étrange que celle d’Elie, jeune garçon (si je n’avais pas lu la 4ème de couv, je peinerais à croire qu’il a 11 ans, je lui en aurais donné plutôt 16) qui campe jour et nuit dans le cimetière du ghetto de Varsovie. A l’extérieur, la police allemande mitraille et rafle les juifs. Elie passe son temps à sommeiller, à rêver, et à parler à Joseph Cytrin, le vieux là, enterré sous la tombe contre laquelle il se réfugie. Jusqu’à ce qu’il fasse la connaissance de Gad, un szmugler qui vit de marché noir au péril de sa vie lorsqu’il sort et regagne le ghetto. Une amitié parfois malmenée va naître entre les deux garçons réfugiés dans cet endroit étonnamment calme, alors que règne la fureur et l’horreur partout autour. C’est ce qui frappe dans ce récit de Mingarelli : une paix et des rêves d’ados, comme une bulle de douceur dans un univers tragique. Elie écrit des poèmes dans sa tête et promet à Gad qu’ensemble ils habiteront Paris, sous une verrière, pour voir partout la lumière. Réaliseront-ils leur rêve ?
Encore un roman dit pour ados que je trouve dur et triste, mais qui s’attache à relater une part réelle et sombre de l’Histoire et tout en réussissant à y glisser une étincelle de beauté.

Laure256 - - 52 ans - 13 février 2006