Une poignée de secondes
de Carino Bucciarelli, Laurent Danloy (Dessin)

critiqué par Débézed, le 30 novembre 2025
(Besançon - 78 ans)


La note:  étoiles
Le monde revu par le poète
J’ai déjà croisé Carino dans plusieurs de ses œuvres littéraires mais c’est la première fois que je le lis dans de la poésie. Je l’ai lu notamment dans des fictions souvent très énigmatiques où j’ai dû cheminer dans son texte avec une grande attention pour ne pas en perdre le fil. Dans ce recueil composé de brefs poèmes, j’ai rencontré un autre auteur, un auteur qui écrit des textes « qui se déploient dans un monde instable et déroutant où les vivants et les choses sont à la fois eux-mêmes et autres » comme l’écrit son éditeur dans sa présentation de cet ouvrage. Carino décrit le monde tel qu’il le voit se construire au propre comme au figuré, « Le monde est peuplé d’une foule de créatures / certaines immondes / d’autres attachantes / … ».

Dans ce texte qui hésite entre l’être et le non-être, le concret et l’abstrait, le réel et l’onirique, l’auteur bâtit son monde à travers des questions existentielles : « Pourquoi nous a-t-on placés ici ? », « Où suis-je finalement ? ». Des questions auxquelles il répond par des observations qu’il a faites du monde tel qu’il le voit, à sa façon avec ses a priori, ses intuitions, ses sentiments et ses émotions. Un monde commandé par l’autoritarisme de ceux qui font les lois et règlements et les doctrine religieuses ou politiques. « … // Là-haut un commandeur / nous dicte les lois / le bonheur de conduire seul / dans une ville surpeuplée / nous fait oublier notre immortalité // … ». Il dit aussi la résistance de ceux qui ne veulent pas se laisser dominer :même s’ils sont mal armés pour cette délicate mission : « Armé d’un citron j’affronte le monde /Je me rends vite à l’évidence / l’arme n’est pas appropriée / … ». Carino évoque aussi la temporalité, le monde qui traverse le temps, « … / je passe moi-même / à travers mon propre temps // … ».

Le monde de Carino baigne dans une atmosphère absurde, impossible, surréaliste, probablement un peu de tout cela, comme le montre cet extrait de l’un des derniers poèmes du recueil : « … // Il est impossible de t’approcher / pour poser la main sur ton épaule / et t’apostropher toi-même ».

Ce recueil est illustré de quelques images de Laurent Danloy dont le flou artistique montre bien l’ambiance qui nimbe ce recueil même si la conclusion que j’ai choisie est plutôt attirée par la lumière « La lumière seulement / nous donne l’existence ». Comme un rai d’espoir pour concevoir ce monde dans un avenir plus lumineux.