L'obsédé (L'amateur)
de John Fowles

critiqué par Nirvana, le 28 janvier 2005
(Bruxelles - 52 ans)


La note:  étoiles
Un pervers captivant
Frédérick, fonctionnaire londonien, collectionneur de papillons, renfermé et solitaire, se prend d'intérêt pour une jeune fille résidant en face de son bureau. Il l'observe, et se prend à rêver de la posséder. Quand il gagne le gros lot au jeu, il n'y a qu'un pas à franchir du fantasme à la réalité. Il achète une maison isolée, aménage une cache dans la cave, puis capture la jeune Miranda, pensant que s'il lui offre tout ce qu'elle désire, elle s'attachera à lui...
Mais évidemment, la seule chose qu'il ne peut lui donner, c'est la liberté!
La deuxième partie du roman nous présente Miranda au travers du journal qu 'elle écrit en secret dans sa prison dorée. Elle nous fait part de ses réflexions, de sa perception du ravisseur, homme terne, sans personnalité, complexé par sa position sociale. Elle nous raconte aussi sa vie à l'extérieur, et au fil des semaines, on voit sa vision de la vie se transformer, de par sa captivité. On peut aussi comparer son point de vue quant à ses tentatives d'évasion par rapport à ce que nous a narré Frédérick dans la première partie.
Les troisième et quatrième partie vont en crescendo dans l'horreur... un roman qui ne vous déçoit pas à l'arrivée, puisqu'il nous laisse songeur et morbidement fasciné par "les possibilités infinies" qu'a le collectionneur de persévérer dans sa folie douce...
J'ai trouvé ce roman extrêmement bien construit, avec une analyse psychologique superbe des deux protagonistes.

En 1965, le film tiré de ce roman permit à ses acteurs, Terence Stamp et Samantha Eggar d'obtenir le prix d'interprétation des meilleurs acteurs à Cannes.
Interminable 1 étoiles

Ce roman, qui ne fait pourtant que 288 pages, m'a paru interminable ! Je n'ai jamais vu de roman construit comme celui-ci, il n'y a pas de chapitres, et je me suis rendu compte à cette occasion à quel point ceux-ci étaient bénéfiques à la lecture ! L'histoire nous est une première fois racontée d'une traite, du point de vue de l'obsédé. Puis arrivé au milieu du roman, toute l'histoire est racontée de nouveau, mais du point de vue de la victime cette fois (qui correspond au journal intime qu'elle a tenu pendant sa captivité). Une dernière partie, plus courte, nous dit comment ça se termine.

J'imagine que l'objectif de l'auteur est de nous faire percevoir ce qui se passe à l'intérieur de la tête d'un détraqué, comment il justifie ses actes vis à vis de sa propre conscience. Mais sommes nous seulement en mesure de savoir ce qui se passe dans la tête d'un détraqué ?

Au final, rien ne m'aura accroché tout au long de ce roman, et la seul chose qui m'aura fait le lire jusqu'au bout était l'envie de savoir comment ça se terminerait. Leurs digressions respectives sont plus horripilantes qu'autre chose, Frederick avec son histoire familiale et Miranda qui nous parle de son G.P. et de ses considérations politiques toutes les deux phrases.

Chrysostome - - 44 ans - 31 décembre 2014


Excellent 10 étoiles

Je l'ai lu il y a quelques années, j'avais mis un peu de temps à m'y mettre mais après difficile de le fermer. J'avais bien aimé les références à Shakespeare et la fin, elle m'avait glacée, et finalement ce roman de Fowles écrit il y a près de 50 ans rappelle quelques histoires que nous avons lues dans des faits divers tristement célèbre...

Marlène - Tours - 47 ans - 17 décembre 2011


Glaçant ! 10 étoiles

Un terrible tête à tête : celle d'un homme à la vie étriquée, qui change de collection et passe de celle du papillon à celle de la jeune adolescente !
C'est un huis-clos insupportable, d'autant plus que l'on est véhiculé par le regard de l'un et l'autre des protagonistes.
Impossible d’imaginer que la jeune fille s'en sortira : le kidnappeur a tellement bien préparé l'enlèvement, impossible aussi d'imaginer que l'homme sera capable d'évolution et de comprendre que l'être qu'il a enlevé et qu'il aime, pour son côté flamboyant, n'est pas qu'un joli papillon qu'on aime ...........
C'est la mort lente de la jeune fille et de l'amour que lui porte son kidnappeur que l'on étudie au scalpel....
Elle va mourir, et l'homme recherche déjà une autre proie !
L'incommunicabilité fait des ravages : l'un et l'autre protagoniste vit dans son univers, mais il s'agit de deux parallèles, qui par définition, ne peuvent se rencontrer.
Et on en ressort plein d'amertume !

La construction de ce livre est superbe, l'approche fine de la pensée de chacun nous empêche de sombrer dans le manichéisme à l'état pur, et si on en sort maltraité, on y est nourri par quelque chose d'autre que j'appellerai : humanité !

DE GOUGE - Nantes - 68 ans - 5 novembre 2011


Sombre fin 9 étoiles

A la base intitulé The Collector ("le collectionneur"; pas exactement la même chose), une excellente nouvelle dans laquelle on retrouve la fascination malsaine et dissequée d'une société pour le psychopathe, le décalé, et enfin éventuel tueur solitaire. Car Fowles, justement, nous conte au départ essentiellement l'histoire de ce jeune homme byzarre sans jamais tomber dans la stigmatisation; au contraire n'importe quel lecteur lui trouvera plein d'excuses au fil des chapitres ! Miranda est en fait une étudiante aux beaux yeux turquoise, mais en réalité surtout une petite effrontée plutôt pimbêche qui sort avec des vieux - lesquels passent leur temps à la flatter sur son art et ses études ou à agréablement commenter les nouvelles du journal du jour au café en sa compagnie sur de belles banquettes en cuir, avec de complexes arguments philosophiques. Quant à Frederick, ce photographe en devenir, de nombreuses fois rejeté ou éconduit par plus riche que lui, il s'agit surtout d'un pauvre gars qui ignore comme beaucoup que le milieu social signifie tout et surtout pour ces élégantes classes supérieures, et qui de ce fait, ne réalisera que trop tard que tout ne marche pas au mérite. Ainsi le talent, loin de là, n'est pas toujours récompensé sauf dans les contes de fées, et comme lui, mais bien sûr d'une autre manière, nous constatons l'ampleur de notre erreur lorsqu'il kidnappe la belle: la seconde partie du livre est consacré à l'enfermement, et les manies et habitudes de l'anti-héros ne semblent là que pour briser peu à peu psychologiquement Miranda. Laquelle, d'ailleurs, affaiblie par la solitude et son traitement, ayant découvert dans l'horreur la folie de son tyrannique compagnon, finit d'ailleurs par tomber malade, isolée et à l'inaction au final apathique dans son cachot. En bref les âmes et les propos de la prisonnière et de son cerbère semblent parfois étrangement se mélanger, sinon se confondre, dans un obscur noeud non-dénoué évoluant page à page et nous ne faisons qu'obtempérer dans la stupeur aux puissants coups de boutoir de cette passion à sens unique. D'autant plus que la scène de la poitrine nue, ou l'héroine tente de séduire de façon vénale son geôlier, ne fait que démontrer par-là même le profil d'une oeuvre ou un auteur évite clairement tout poncif, ainsi que tout pathos simpliste, obscène, et complaisant.

Un trouble et ambigu séduisant huis-clos, par-là même proche du célèbre "Peeping Tom" (Le Voyeur) de Michael Powell, et à l'intéressante boucle narrative: Car les papillons aux couleurs pimpantes ne bougent plus...

Antihuman - Paris - 41 ans - 5 novembre 2011


Histoire d'une séquestration 9 étoiles

Belle réédition dans la nouvelle et belle collection de poche de chez Seuil, Signatures, qui compte aussi, outre ce titre, Moustiques de Faulkner, Le Jardin de ciment de Mc Ewan, Givre et sang de Cowper Powys…
Premier roman d’un écrivain qui devra surtout sa renommée à des adaptations cinématographiques. Celles de ce livre et de La Maîtresse du lieutenant français.

Un récit qui marque par son dispositif : la narration à la première personne par l’auteur d'un kidnapping puis par celle de la séquestrée. On entre de plain-pied dans chacun de ces récits, celui d’un jeune homme ordinaire, qui, à la suite du gain à un jeu de pronostic sur les matches de football va verser dans la monstruosité et celui d’une jeune fille, étudiante aux Beaux-Arts, dont on devine qu’elle était appelée à une autre destinée. C’est évidemment, au-delà de l’anecdote, un livre politique qui montre comment l’aspiration, légitime, de certains êtres - le fait d’être aimé, par exemple - ne peut se réaliser qu’au détriment d’autres et la façon dont toute société favorise l’écrasement des individus qui s’en démarquent en tant qu’artiste, que personne singulière, par certaines parties de la population qui ressentent ces volontés de se singulariser comme une atteinte à leurs intégrité, à leur paix.

A la lecture de ce roman, on pense évidemment à des affaires qui ont marqué la vie judiciaire belge de ces dernières années, les affaires Dutroux et Fourniret.
On peut inférer que la psychologie de certains de ces « prédateurs » présentait des similitudes avec celle de ce jeune homme qui fait peu de cas de l’autre, pathologiquement indifférent au sort d’autrui.

Un grand roman qui traite d’une façon magistrale d’un sujet grave, celui de la domination d’une catégorie de la population sur une autre, quel que soit le mode de domination.

Kinbote - Jumet - 65 ans - 7 août 2008