La sablière
de Claude Jasmin

critiqué par Libris québécis, le 27 janvier 2005
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Un enfant autiste
Claude Jasmin est un écrivain mineur qu’il faut connaître. Depuis au moins trente ans, il contribue annuellement à l’enrichissement de notre patrimoine littéraire. Ses œuvres suivent l’évolution du Québec à tous les niveaux. Aucun sujet ne lui est indifférent, que ce soient la politique ou la famille. Cette dernière lui a inspiré ses meilleurs romans. Dans La Petite Patrie, il se servait d’un matériel autobiographique pour tracer le portrait des siens qui habitaient un quartier de Montréal désigné par le titre. Dans La Sablière, il récidive en les transportant à leur chalet d’été (résidence secondaire) de Pointe-Calumet.

C’est un village situé tout près de Montréal sur les rives du lac des Deux-Montagnes. Dans les années 1940, c’était un endroit de villégiature quelconque qui accueillait principalement les résidants des villes environnantes. En somme, on recréait l’univers urbain à la campagne. C’est dans ce décor que se déroule le drame que Claude Jasmin a concocté pour son roman, qui rappellera à plusieurs des souvenirs inoubliables à l’ombre de l’abbaye cistercienne et du village d’Oka. Le milieu ambiant est très important dans cette œuvre. Il en est même l’élément principal. L’auteur emmène ses deux héros dans une sablière qui devient leur principal champ d’action pour l’été. Au lieu de jouer aux cow-boys et aux indiens comme les enfants de leur âge, ils se transforment en cavaliers arabes qui, au cri d’« Allah ou Akbar ! », attaquent d’invisibles ennemis. Ce « désert de sable » devient un terrain de jeux magnifique pour faire la mise en scène des récits lus dans une encyclopédie bon marché vendue en feuillets.

Clovis, l’aîné des deux frères, âgé de 16 ans, s’occupe ainsi de Mario, son cadet qui souffre d’autisme. C’est donc par des activités ludiques qu’il réussit à le sociabiliser un tant soit peu. Mais le bonheur s'accroche toujours à des obstacles en chemin. On dirait que l’été est un temps propice aux incidents malencontreux. Le frère aîné se retrouve à l’hôpital à cause d’une appendicite aiguë. Son séjour va le transformer suite à la mort d’un jeune patient qui partageait sa chambre et aussi suite à son éveil sexuel. De retour auprès des siens, Clovis n’est plus le même à cause de ces événements qui ont contribué à sa maturité.

Comme la fin de l’été approche, on revient à Montréal. L’adolescent est séparé de son frère que l’on confie à un orphelinat qui accueille aussi des enfants souffrant de déficiences. La situation brise le cœur de l’aîné, qui a la ferme intention de tirer son cadet des griffes des bons religieux qui dirigent l’institution. L’opération est périlleuse, et la témérité n’est pas à l’abri du drame.

Claude Jasmin jette un œil attendri sur une famille aux prises avec la maladie. Il en brosse un portrait touchant à travers le quotidien magique de deux garçons qui s’épaulent dans le malheur. Cette œuvre profondément humaine frappe par son authenticité. L’auteur s’y est consacré avec une passion qui est palpable. Généralement brouillon dans son écriture, cette fois-ci, il a réussi à la polir afin de nous offrir le meilleur de son art.