Apnée
de Jean-Marie Gourio

critiqué par Clarabel, le 26 janvier 2005
( - 48 ans)


La note:  étoiles
Au secours !
Deuxième abandon, après celui d'Alexandre Lacroix... je n'ai pas de chance avec les livres ces temps-ci !
Malgré un résumé sommairement alléchant, "Apnée" demande finalement trop de cran pour être lu. L'histoire de cette femme, Chantal Breitman, dont la petite Sandrine a été retrouvée tuée après avoir été violée, à seulement six ans, est plus que cruelle. Elle est intolérable ! Car une semaine après la découverte du corps, Chantal et son mari Simon apprennent que le coupable est leur voisin et ami, Monsieur Jean. Marié, père de famille. Jugé et condamné à plus vingt ans de prison, conspué par les siens, la presse et la société en général. En apprenant que cet homme est le coupable, le mari de Chantal se suicide.
Désormais seule, martyrisée par ce drame qu'on lit dans les pages des faits divers, Chantal va se morfondre, s'effronder, partir de son petit coin de paradis et retomber en enfance.
Elle va prendre l'étrange et invraisemblable initiative d'écrire à cet homme condamné, quelques mots, puis de plus en plus de lettres, avant de demander à le rencontrer, et ce, tous les mois, pendant les vingt années d'emprisonnement à purger. Et lorsque Monsieur Jean sort de la maison d'incarcération, c'est Chantal qui est présente pour l'accueillir et le recueillir dans sa nouvelle maison, lui donner le gîte et le couvert, dans cette chambre où une photo de la petite Sandrine trône sur la table de chevet.
Alors, quoi ?.. Quelle étrange et sadique relation lie cette femme à ce monstre ? La police la regarde bizarrement, sous-entendant qu'elle n'est pas saine, même son avocat lui ordonne de ne pas oublier que c'est elle la victime, et le juge de faire écho à cette collective incompréhension !..
Car l'incompréhension, c'est ce que j'ai ressentie tout au long de ce début de lecture, avant d'abandonner. Effarée, écoeurée, j'ai envie de comprendre les motivations de la narratrice, donc j'ai essayé d'aller plus loin dans ma lecture; mais c'est trop insupportable, au-delà de tout entendement. Imbuvable, indigeste. Et puis, Jean-Marie Gourio a eu la lubie d'écrire d'un bloc son texte, depuis le premier mot sans majuscule, jusqu'au tout dernier sans point, et entre deux aucune ponctuation autre que des virgules, par centaines ! Du coup cela donne un bloc ! Un pavé de mots d'affilée, un monstre de récit à ingurgiter - très difficilement.
De la survie d'une mère: entre lucidité et folie 8 étoiles

Apnée est un de ces livres difficiles à avaler mais aussi difficile à oublier.

Au départ, je l'avais choisi pour le résumé de la quatrième de couverture qui m'avait intriguée, mais finalement, ce livre est également remarquable d'un autre point de vue: stylistiquement. Le texte se compose exclusivement d'un bloc de mots, où toute syntaxe est bannie. Il n'y a aucune ponctuation, simplement des propositions reliées entre elles par des centaines de virgules. A la lecture des premiers mots, j'ai été prise de vertige car on est aspiré dans une chute sans fin de 150 pages, on est plongé au plus profond du désespoir d'une mère torturée, sans rien à quoi se raccrocher. On sombre dans la folie envahissante de cette mère meurtrie. Cette écriture haletante et rapide à la limite de la folie ne laisse aucun répit à son lecteur. Aucune pause dans le récit n'est permise, c'est pour cela que ce récit est indigeste. Cependant, j'ai continué ma lecture, incapable d'abandonner ce flot interminable de pensées car le récit m'a bouleversée mais aussi écoeurée. Souvent, on est à la limite du soutenable...
Jean Marie Gouriot a choisi de traiter ici de la survie d'une mère meurtrie par la perte de son enfant. Sandrine avait 6 ans lorsqu'elle a été violée puis assassinée par Monsieur Jean, le voisin d'en face. Vingt quatre ans ont passé, le tueur sort de prison. A sa sortie, l'attend Chantal, la mère de Sandrine, qui va l'accueuillir et l'héberger chez elle. De cette confrontation dépend la survie de Chantal. A partir de là, on s'enfonce dans ce monologue intérieur qui nous étreint. Chantal nous entrouvre alors les portes de son désespoir, de ses angoisses, de ses frayeurs et de sa joie. Entre lucidité et folie, on découvre avec effarement la fascination morbide et sadique de cette mère pour l'assassin de sa fille qui demeure désormais le seul lien avec sa fille.
Surprenant récit, Apnée est une possible "survie en apnée" à une épreuve ignoble ( perte d'un enfant) mais aussi (et surtout peut être...) livre terriblement efficace car écrit d'une traite pour nous permettre une immersion totale et complètement déstabilisante dans l'esprit perturbée de cette mère.

Titalie - - 39 ans - 30 août 2005