Nature et préjugés: Convier l'humanité dans l'histoire naturelle
de Marc-André Selosse, Arnaud Rafaelian (Dessin)

critiqué par Colen8, le 13 octobre 2025
( - 84 ans)


La note:  étoiles
La culture n’est rien sans la nature
La distinction entre nature et culture alimente bien des préjugés quand elle sert de critère pour qualifier l’humanité. Les sciences du vivant ne manquent pas d’arguments pour montrer les interactions biologiques dans l’espace et dans le temps en appui à la théorie de l’évolution. L’humilité siérait aux humains d’oublier leur appréhension anthropocentrique du monde et d’ouvrir les yeux sur les milieux visibles et invisibles dont ils sont issus, sans lesquels toute survie leur aurait été impossible.
Hasard de la sélection naturelle dans un environnement donné, besoin de robustesse par la reproduction sexuée pour la survie des plus aptes, adaptation aux changements climatiques, biodiversité consécutive aux mutations et dérives génétiques, l’évolution jusqu’au monde contemporain aura été faite de symbiose, de coopération mutualiste, mais aussi de destruction créatrice… à l’aune des cinq extinctions massives sans lesquelles les mammifères n’auraient pu s’extraire de leur niche initiale.
Dynamique et continue la toile et les liens tissés par la nature sont en perpétuel chamboulement à toutes les échelles et en tous sens. L’environnement, les milieux de vie n’ont qu’à s’adapter à son mouvement sans fin tantôt par l’entraide tantôt par la compétition ou à disparaître. Jusqu’à l’ère moderne où des dépotoirs souvent toxiques s’accumulent et sont en train d’étouffer l’atmosphère, les continents et les océans les déchets des uns devenaient des opportunités de recyclage pour d’autres.
Une plongée dans les sphères microbiotiques des écosystèmes révèle leurs infinités de dépendances positives pour les unes, perturbatrices pour les autres. Les microbiotes, les holobiontes pris au sens de systèmes, interagissent en dehors des frontières organiques décrites par la biologie traditionnelle pour toutes les espèces : humaine, animales, végétales et cellulaires. Pour le bien commun les sociétés humaines devraient davantage se soucier de la fragilité de leur existence.
Par ce riche travail de vulgarisation naturaliste rebattant quelques idées reçues Marc-André Selosse invite l’intelligence humaine à voir autrement le monde, à respecter collectivement ce qui l’entoure et à agir en connaissance de cause. Il suggère par exemple de rapprocher les enjeux de santé publique aux questions vétérinaires, à un environnement élargi aux réseaux mycorhiziens et à leur rôle dans la vitalité des plantes. Ah, si les politiques pouvaient se targuer d’une meilleure culture scientifique !