La mort d'Olga Maria / La diablesse dans son miroir
de Horacio Castellanos Moya

critiqué par Alandalus, le 25 janvier 2005
(BORDEAUX - 67 ans)


La note:  étoiles
DE L'ORIGINALITE
Après l’assassinat de sa meilleure amie, issue de la haute bourgeoisie de San Salvador comme elle, Laura Rivera se lance dans un long monologue de 160 pages pendant lequel le lecteur ne s’ennuie à aucun moment.

La mort de Olga María bouleverse le monde frivole dans lequel évolue la cancanière Laura, narratrice et personnage fondamental de l’histoire qu’elle même raconte à une troisième amie dont nous ne connaîtrons pas le nom. Sa langue se délie, entraînant le lecteur à une vitesse vertigineuse à travers un pays d’équivoques et de masques, où les choses ne sont pas ce qu’elles semblent.

Poussant ses élucubrations jusqu’au délire, Laura fait preuve d’une débordante énergie réactionnaire, pleine de préjugés et de médisances, typiques d’une bourgeoisie salvadoregne post-guerre civile. Elle entre de façon obsessionnelle dans la vie d’Olga qui paraissait être celle d’une bourgeoise « tranquille » et honorable, dédiée à ses enfants, son mari et sa boutique mais que son insatiable libido menait, dans la pratique, à maintenir de fréquentes aventures sexuelles avec divers hommes de son cercle « sélect ». Bien sûr, dans ce manège incessant d’amants illustres, aucun n’est ce qu’il paraît.

Castellanos Moya nous fait une dure et lucide critique de la classe dominante du Salvador.

Un livre très vite lu avec lequel je me suis régalée. Je n'en dévoile pas davantage.

Ne ratez pas la fin.
les secrets du miroir 6 étoiles

Quel petit livre étrange ! Étrange par son titre, déjà, car quelle est donc cette diablesse à laquelle il se réfère ? S’agit-il de cette Olga María, belle jeune femme retrouvée morte d’une balle dans la tête dans son salon bourgeois de San Salvador ? Ou bien son amie Laura, la narratrice, cancanière et jalouse, qui se confie à une amie ? Ou bien encore la bourgeoisie salvadorienne, ses turpitudes politiques, financières et sexuelles, n’osant pas se regarder dans ce portrait au vitriol d’une société en décomposition ? Étrange aussi par sa forme, très littéraire, chaque chapitre étant composé d’un seul et unique paragraphe, reproduisant textuellement la logorrhée interminable de cette bavarde de Laura. Étrange enfin car on s’attend à voir se résoudre dans les dernières pages cette passionnante énigme politico-policière. Hélas, l’auteur se garde bien de verser dans le genre policier, sans doute mineur à ses yeux. Dommage, car le sujet s’y prêtait bien…

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 75 ans - 22 décembre 2021


Ahurissant ! 10 étoiles

Je ne connaissais pas Moya !
J'ai adoré ce livre : c'est une véritable diarrhée verbale que nous impose la narratrice !
Et on ne peut qu'être fascinée par cette logorrhée qui mêle de façon complètement anarchique la douleur, le quotidien, la médisance, le mépris envers les basses classes, le snobisme, la mauvaise foi, le remords et une approche décalée et totalement égocentrique et absurde du réel.
Pour moi, c'est une vision terriblement noire et décadente d'une certaine société de très riches Salvadoriens, et non un roman policier !
Contrairement à Septularisen, je trouve le personnage odieux, insupportable, un être qui salit tout ce (ceux) qui l'entoure(nt) avec une parfaite hypocrisie : une sale gosse de riche qu'on a envie de claquer ....et de museler pour pouvoir soi-même respirer !
Si la fin atténue un peu ma description de Laura, il reste d'elle et de son monde une image peu reluisante, mais qui nous entraine dans une fascination, sans doute morbide, mais d'une puissance d'évocation et d'un verbe qui laisse pantois d'admiration ....
A lire absolument !

DE GOUGE - Nantes - 67 ans - 22 novembre 2011


Qui a tué Olga Maria et pourquoi ? 10 étoiles

Ce que j’aime des romans de Moya, c’est qu’ils sont écrits d’une façon telle que dès la première page, je suis prisonnière de ma lecture sans possibilité d’évasion avant la toute dernière et cela me plaît au plus haut point. Les romans de Moya ne sont jamais bâclés mais au contraire, ils sont construits au millimètre près, rien n’est laissé au hasard, ce sont de petits chefs d’œuvre de précision et d’efficacité narrative. Comment ne pas aimer le style Moya… moi, je n’y résiste pas tellement c’est original et surprenant non pas tant au niveau des thèmes mais surtout au niveau de l’écriture et de la construction. Ce roman-ci ne m’a pas déçue bien au contraire. J’ai trouvé que Moya était plus doux et modéré sans la vulgarité et le déchaînement de violence dont il est parfois capable. Il est ici égal à lui-même et réussit à captiver son lecteur sans avoir recours à des scènes de sexe torrides (il y en a quelques-unes cependant mais moins que d’habitude) ni autre artifices racoleurs.

C’est une femme qui raconte à une mystérieuse interlocutrice… qui ragote plutôt ses impressions sur la mort de sa meilleure amie Olga Maria, abattue froidement devant ses deux fillettes qui deviendront des témoins importants dans l'affaire. Laura parle et parle sans arrêt à cette amie lors de différentes rencontres soit à l’église lors de l’enterrement, soit dans un restaurant attablée devant un cappuccino à reluquer les jeunes serveurs, soit au téléphone alors que sa mère l’attend pour écouter un feuilleton télévisé. Elle décrit tout en détail, échafaude des hypothèses sur le mobile du meurtre, émet des jugements sur tout le monde, se révèle d’une incroyable bêtise parfois mais aussi d’une étonnante lucidité et capacité d’analyse à d’autres moments. Elle connaît tous les gens qui ont évolué dans l’entourage de Olga Maria et leurs rapports tortueux avec elle. Ceci peut sembler banal mais ne vous y méprenez pas. Avec Moya, rien n’est jamais banal ni sans surprises. Il nous réserve toujours des fins étonnantes et inattendues qui viennent tout remettre en question et renverser nos certitudes. Les deux derniers chapitres sont époustouflants ! J’ai aussi beaucoup aimé retrouver le détective Pepe Pindonga aussi paumé que d’habitude et la machiavélique journaliste Rita Mena, deux personnages que j’ai eu le plaisir de connaître dans « Là où vous ne serez pas ». Moya nous ramène ainsi certains personnages d’un livre à l’autre, créant ainsi son univers bien à lui ce que j’apprécie et que je trouve délectable. Allez, cinq étoiles pour mon auteur chouchou !

Dirlandaise - Québec - 68 ans - 7 février 2009


Un roman policier peu ordinaire ! 9 étoiles

Ce roman est loin d'être un roman policier ordinaire car l'écriture en est particulière, essentiellement composée de neuf monologues, tous de Laura Rivera, conversant avec une amie, au téléphone, à l'église, dans un café... Nous ne connaîtrons de l'enquête en cours que le point de vue de Laura, et découvrirons avec elle qu'Olga Maria était loin d'être la femme à la réputation sans taches qu'elle semblait être. Il m'a été très plaisant de suivre ces conversations qui sautent du coq à l'âne, à un rythme soutenu et haletant, de découvrir ce microcosme corrompu par la politique et le pouvoir. J'ai beaucoup aimé ce livre, finalement très féminin, au dénouement inattendu !

AntigoneCH - La Roche sur Yon - 51 ans - 29 octobre 2007


UN PERSONNAGE HAUT EN COULEUR 8 étoiles

Nous découvrons dans ce court roman un personnage féminin vraiment très attachant en la personne de Laura Rivera, véritable "langue de vipère" qui n'hésite pas à critiquer et à dire des méchancetés à la veillée funèbre de sa meilleure amie Olga María, alors que celle-ci vient juste d'être assassinée, en rentrant chez elle, devant ses deux filles, par un tueur inconnu... et que justement elle venait de passer l'après-midi avec Laura.

Nous suivons donc l'évolution de l'enquête sur la mort d'Olga María, à travers les récits de Laura à une autre de ses amies, qui ne nous est présentée tout le long du roman, que sous le nom de "ma belle".

Très vite l'enquête s'oriente vers les anciens amants d'Olga María, mais qui avait intérêt à la faire disparaître... : El Yuca l'ami d'enfance devenu un politicien puissant et craint, José Carlos le photographe amoureux d'elle, Alberto l'ancien mari de Laura, ou Marito l'époux trompé, qui peut-être avait appris les nombreuses aventures extra conjugales de sa femme...

Grâce aux témoignages des fillettes d'Olga María, le tueur surnommé Robocop est arrêté, mais il refuse de dire quoi que ce soit sur le commanditaire du meurtre...

L'intérêt de ce livre ne réside bien sûr pas que dans l'enquête policière, c'est même à vrai dire la partie "accessoire" du livre, le plus intéressant est la construction du livre en monologue unique sur plus de 160 pages avec ses dialogues interrompus par les nombreuses digressions de Laura. Le tout à un rythme très rapide, qui ne laisse pas le temps à la réflexion au lecteur, et qui n'est pas sans rappeler le nouveau roman.

Mais ce qui est surtout remarquable dans ce livre est la description de la petite bourgeoisie du Salvador, avec ses manies, son mode de vie, ses moeurs, ses perversions, ses petites habitudes, ses signes extérieurs de richesse...
Reste aussi les très belles descriptions du pays, de ses paysages, de ses villes, de ses gens...

Un livre à recommander...

Septularisen - Luxembourg - 56 ans - 28 mai 2006