Le Bel Obscur
de Caroline Lamarche

critiqué par Catinus, le 4 octobre 2025
(Liège - 74 ans)


La note:  étoiles
Epouses d'homo
Caroline Lamarche : « Le bel obscur »
La narratrice trouve dans une vieille malle des archives et une photo concernant Edmond, un sien aïeul. Un jeune homme issu d’une famille d’industriels liégeois, qui fit des études d’ingénieur en Allemagne et décéda, très jeune encore, à Orléans dans la deuxième partie du 19ème siècle. Que s’était-il donc passé avec ce parent rayé de l’arbre généalogique. Il avait commis deux fautes, celle de mourir sans descendance et, pire, il était homosexuel.
Parallèlement à cette histoire un peu triste, vint se greffer une autre, celle de l’auteur qui petit à petit se rend compte qu’elle a épousé Vincent, un homo. Vincent côtoie des hommes, faits comme lui. Notre héroïne est de plus en plus désemparée (et on la comprend).
Un roman sur les femmes qui vivent avec des homos. Perso, j’aurais préféré que Caroline Lamarche développe davantage ses investigations sur Edmond, quitte même à le phantasmer. A ce sujet, la fin est … minouche.

Extraits :

- Aujourd’hui, plus ou moins un siècle et demi – extrapolation raisonnable – avant l’effondrement de notre civilisation en surchauffe.

- Relancer sans cesse le carrousel aux amours est une drogue. On passe son temps à s’agiter, ce qui donne l’illusion de la vivacité du lien, en réalité on tourne en rond, deux poissons rouges prisonniers du même bocal, le troisième s’asphyxiant sur la table.

Dans la peau d'une femme d'homosexuel 7 étoiles

Ce roman ne concerne pas tant la maigre reconstitution de l’existence d’Edmond, arrière-arrière-grand-oncle de la narratrice, que l’histoire du couple qu’elle forme avec son mari Vincent. Ou plus exactement du trio que ce couple forme avec les multiples satellites qui viennent s’y greffer. Car Vincent est homosexuel et pendant trente ans, la narratrice continue de vivre avec lui, leurs deux filles… et les amants de Vincent qui s’installent chez eux. Elle prétexte qu’elle veut comprendre – mais comprendre quoi ? - et qu’elle entend préserver leurs enfants d’une séparation. Cependant, elle s’agrippe à cet amour coûte-que-coûte, espérant toujours être l’amour privilégié de son mari alors qu’ils font chambre à part et que sa place est de plus en plus évincée. Elle s’accroche à l’idée de sa magnanimité, aux préceptes qui lui ont été inculqués tels que le fait de faire toujours passer le bonheur des autres avant le sien propre, l’interdiction de divorcer, etc. Elle se résout bien à avoir des aventures de son côté, espérant compenser ses manques, mais elle ne s’autorise pas à les afficher, contrairement à Vincent qui n’a aucun scrupule et pour qui seul son plaisir compte. La narratrice est passablement dépressive et les pensées suicidaires l’assaillent régulièrement, sans pour autant qu’elle s’autorise à s’affranchir. C’est déprimant ! Je ne parlerais sûrement pas d’un « roman lumineux » comme écrit dans le résumé.
Parallèlement, la narratrice mène une enquête sur son aïeul qui a été effacé de l’arbre généalogique. Elle grappille quelques rares informations sur Edmond à droite à gauche sans trouver grand-chose. Rien de passionnant dans cette enquête qui n’apparaît qu’en filigrane tout au long de la vie de la narratrice.
La narratrice cherche désespérément des épouses qui sont ou auraient été dans la même situation qu’elle pour pouvoir partager, mais ne trouve presque rien… ce qui ne la fait pas lâcher prise pour autant.
Le style est original et très beau. Le thème est aussi original et le lecteur ne peut s’empêcher d’être pris de pitié pour cette femme qui ne se respecte pas. La vérité n’équivaut pas au respect : ils ont beau avoir convenu de tout se dire, la douleur de l’épouse n’a pas l’air d’en être amoindrie.

Pascale Ew. - - 58 ans - 20 novembre 2025