Sarah
de Jeremy T. LeRoy

critiqué par Aaro-Benjamin G., le 25 janvier 2005
(Montréal - 54 ans)


La note:  étoiles
Shocking pink
Avec chaque décennie, la presse littéraire proclame un nouveau messie. Ce fût le cas pour J.T. Leroy, encensé dès l’adolescence et transformé en icône de la nouvelle génération d’écrivains. Il a été surtout remarqué pour sa collaboration au premier jet du scénario d’ « Elephant » de Gus Van Sant. Ce dernier possède d’ailleurs aussi les droits d’adaptation cinématographique de « Sarah »

Dans cette première œuvre, le ton est donné d’emblée. Le narrateur est un garçon de douze ans, qui dans les pas de sa mère Sarah, une prostituée, en vient naturellement à se travestir et vendre ses charmes dans une halte routière de Virginie. Ingrat, pourtant sous l’emprise d’un mac au cœur tendre, il s’exile dans un autre stationnement plus décadent où il est perçu, en premier comme une sainte aux pouvoirs de rédemption, puis comme un traître lorsque sa vraie nature est révélée.

Malgré le sujet scabreux, l’auteur résiste heureusement à la tentation du sensationnalisme et de la pornographie. L’univers imaginé est surréaliste, bizarre et empreint d’une certaine pudeur. Ce n’est pas un roman ni sur l’homosexualité, ni sur la pédophilie, ni sur l’identité sexuelle. Oscillant entre le pathétique et le burlesque, ce grand cirque des éraflés ne force jamais le lecteur dans la pitié tant les personnages sont fiers de leur marginalité.

L’écriture est passable, mais il faut dire que même le meilleur traducteur ne pourrait conjurer en français toutes les couleurs du langage « slang » américain.

Une curiosité originale, truculente et facile à lire. Mais, on crie au génie beaucoup trop vite.
Michetons, michetonneux, michetonneuses 6 étoiles

L'auteur de ce roman extrêmement original aurait été une jeune fille de dix-neuf ans, dont le style est également très surprenant. Cette oeuvre traite sans fards ( si j'ose dire), entre autres, de la condition des prostituées et des travestis. Attifé des jupes en faux cuir de sa mère, maquillé comme un camion, le "héros" de l'histoire veut faire comme sa mère et traîne du côté du parking des routiers à côté du snack le "Doves Diner". Sa carrière sera lancé par Glad, le plus respecté des souteneurs du coin, se prétendant indien, encouragé par Ma Shapiro, une putain d'une grande sagesse, grand-mère de toutes les autres, et Bolly le cuisinier du "Doves". Allant en pèlerinage pour recevoir les mânes d'un élan mort, qui disposerait de ressources surnaturelles, le gosse finit par tomber, lui et ses perruques, dans les griffes du "Loup", un proxénète adepte de l'amour vache.

J.T. Leroy, dont la biographie chaotique a excité la curiosité et la compassion de nombreuses personnes, a séduit tous les amateurs de roman américain "underground" ou "trash" prêts à porter aux nues un écrivain excentrique, seulement J.T. Leroy n'existe pas. C'était la création d'une chanteuse de rock "has been" et d'une de ses amies mannequins. Il n'empêche qu'à elles deux, elles ne manquent pas de talent. C'est certainement un coup d'ailleurs des deux harpies d'"Absolutely Fabulous", je suis sûr que c'est Saffron, la fille d'Edina, qui a écrit le roman que sa harpie "fashion" de mère a du vouloir faire vendre plus efficacement avec l'aide de Patsy et "Bubbles". En plus, la jeune femme qui interprétait le rôle de J.T. Leroy ressemble beaucoup à Patsy, en moins défraîchie.

AmauryWatremez - Evreux - 54 ans - 14 novembre 2011


Stratégie de vente étrange 3 étoiles

Maintenant que l’on sait que ce roman « autobiographique » est de Laura Albert, une new-yorkaise de 40 ans, ça fait étrange de lire la description de l’auteur sur la quatrième couverture. C’est-à-dire, un transgenre de 19 ans qui vient de la Virginie Occidentale, prostitué depuis l’âge de 12 ans, abusé sexuellement, toxicomane, sans abris, « etc. » J. T. Leroy était unanimement encensé par la critique pour son style « authentique » et très cru... Laura Albert s’est fait crucifier, mais quand on s’est fait du capital sur le fait que l’histoire que l’on raconte est vraie, il ne faut pas être surpris que ça se retourne contre soi quand on découvre que c’est faux. Ça nous fait aussi réfléchir sur nous, les lecteurs. Je veux dire est-ce qu’on est rendu à VOULOIR ça ? Est-ce que les auteurs sont obligés de se créer une histoire d’horreur pour vendre plus leurs livres ? Est-ce irrespectueux envers ceux qui se font vraiment abuser et ceux qui se font entraîner dans l’engrenage de la prostitution ? Est-ce éthique qu’on se sert de ça pour faire de la publicité ? Je voulais comprendre les hommages qu’on faisait à Leroy et j’étais intriguée par le canular. Alors, j’ai décidé d’emprunter ce livre et de le lire comme une fiction. L’écriture n’est pas mauvaise, ça se lit facilement, mais l’histoire n’est pas mon genre. Je crois que même sans savoir que l’histoire est fausse, que j’aurais eu beaucoup de difficulté à avaler que le plus grand rêve du personnage principal, un prostitué de 12 ans, était de devenir un prostitué plus connu ... Étrange livre. Je me demande si les quatrièmes couvertures futures des nouvelles éditions vont faire mention de ça.

Nance - - - ans - 29 juillet 2008


Génie où es tu? 6 étoiles

Génie où es tu?
Je suis entièrement d'accord avec la critique de Aaro-Benjamin G, ce livre est moyen, mais loin d'être génial, son auteur non plus, du moins pour l'instant Le battage toute proportion gardée n'est pas très mérité (télévision, 4ème de couverture croulant sous les hommages, "OVNI Littéraire" etc.) Beaucoup de livres que j'ai lus l'année dernière étaient bien meilleurs. A force de chercher des nouveautés et du sensationnel on en oublie la qualité. Seul avantage, il se lit vite.

Eireann 32 - Lorient - 76 ans - 9 février 2005