L'abolition - Le combat de Robert Badinter
de Marie Bardiaux-Vaïente (Scénario), Malo Kerfriden (Dessin)

critiqué par Shelton, le 29 septembre 2025
(Chalon-sur-Saône - 69 ans)


La note:  étoiles
Précieux et salutaire !
Voici un album de grande qualité qui a plusieurs mérites et qu’il m’est impossible de passer sous silence. En effet, la scénariste, Marie Bardiaux-Vaïente, une spécialiste de l’abolition de la peine de mort, se propose de raconter en bande dessinée « le combat de Robert Badinter » qui conduira au vote historique en 1981 de l’abolition de la peine de mort en France ! Soyons précis, ce n’est pas une biographie de Robert Badinter, ce n’est pas un historique des combats pour l’abolition en France, ce n’est pas non plus un hommage à la présidence de François Mitterrand… Il y a un peu de tout cela et même beaucoup plus comme nous allons le voir…

Tout d’abord, nous allons suivre Robert Badinter à partir de novembre 1972 quand l’exécution de son client, Roger Bontems, va lui faire sentir l’urgence de ce combat abolitionniste. Ce n’est plus pour lui un sentiment, une certitude, cela devient un absolu total, une urgence humanitaire, un combat total. Il faut dire que Roger Bontems, certes, un homme très faible, n’avait pas tué et que la justice l’a tué… Roger Badinter a raconté tout cela dans son livre L’exécution, Marie Bardiaux-Vaïente prolonge avec sa bande dessinée L’abolition.

Pour cela, elle enchaine avec l’affaire de Patrick Henry, assassin d’un enfant, Philippe Bertrand, 7 ans. Badinter veut faire de ce combat une étape dans l’abolition avec la défense d’un accusé qu’il sait coupable. Badinter marche avec une devise qu’on lui a inculquée et qui est fondamentale pour lui avec deux parties. La première est simple, coupable ou innocent, son devoir d’avocat est de défendre son client envers et contre tout. La deuxième, la justice ne peut pas avoir le droit de tuer, quelles que soient les circonstances, les faits, le crime...

Il obtiendra ainsi une victoire au goût amer puisqu’il n’aura pas sauvé la tête de celui qui n’avait pas tué mais sauvera celui qui a tué. Il n’empêche, la dynamique est forte et elle va conduire à l’abolition de la peine de mort en France, le 9 octobre 1981, avec un vote historique à l’Assemblée nationale. Et qu’importe si les Français ne sont pas tous d’accord ! En 1997, la peine de mort sera interdite dans l’Union européenne puis en février 2007, avec un vote du congrès à Versailles, l’abolition de la peine de mort sera inscrite dans la Constitution française. Le combat de Robert Badinter est exemplaire mais…

Mais chacun comprend bien deux choses. D’une part, le combat dans le monde n’est pas terminé car la peine de mort continue d’être appliquée et, d’autre part, on continue à voir en France de nombreux sondages qui montrent que des Français souhaiteraient revenir en arrière et rétablir la peine de mort… C’est en cela que cette bande dessinée est salutaire et exemplaire : à travers le combat de Robert Badinter, elle rappelle à tout un chacun ce qu’est la peine de mort et pourquoi une démocratie dite humaniste ne peut pas, ne doit pas, revenir en arrière sur ce point.

C’est en cela que cet album doit être lu, discuté, offert pour donner à notre pays une éducation, une mémoire, une volonté inaltérable soutenue par la phrase de Badinter « Le justice française ne peut plus être une justice qui tue ! ».

Merci Marie Bardiaux-Vaïente d’avoir écrit ce scénario et Malo Kerfriden d’avoir mis son talent graphique au service de cette belle et noble cause ! Cette très bonne bande dessinée date de 2019… mais elle est rééditée à l’occasion de l’entrée au Panthéon de Robert Badinter, le 9 octobre 2025.