Vautour
de Christian Mistral

critiqué par Aaro-Benjamin G., le 24 janvier 2005
(Montréal - 55 ans)


La note:  étoiles
La vie en gris
Mistral est l’archétype du jeune auteur prometteur ; écorché, enfant terrible, le regard lucide sous son chapeau de feutre. Il s’est fait un nom dans la littérature québécoise avec sa prose aiguisée, sans jamais échapper à une certaine marginalité pour être embrassé par le grand public.

Dès les premières lignes, on se rend à l’évidence que Mistral est un écrivain, un vrai. On peut lui reprocher d’abuser de l’adjectif flamboyant, mais il est clair qu’il s’agit d’un magicien des mots.

« Vautour » commence par la mort subite du personnage titre, un guitariste qui se nourrit de l’illusion de devenir une vedette rock. J’anticipais alors une réflexion sur la mort ou, le manque de spiritualité, tellement flagrant chez les membres de la génération dont fait partie l’auteur. Mais rapidement, la trame bascule vers le récit autobiographique (un autre) Comme si le tout le roman n’était qu’un prétexte. D’ailleurs, Mistral écrit à propos du décès de Vautour : « J’ai guère de peine, parce que c’est pas triste, c’est juste con. Nul ne m’était plus cher que lui, et nul ne m’était moins cher que lui, je ne grade pas mes émotions »

L’autobiographie m’horripile. Bien que supérieur aux milliers d’autres romans du même style, il s’agit tout de même d’une collection d’anecdotes, de paysages du quotidien, généralement blafards mais parfois traversés par un beau moment de poésie ou une pensée cynique qui fait sourire. À réserver à ceux qui préfèrent celui qui se cache derrière les lignes, plutôt que l’œuvre en soi.
Ode à un ami disparu 8 étoiles

L’écrivain Christian Mistral nous présente Vautour, colocataire guitariste. Ce dernier répond à une annonce du journal de quartier, pour partager son appartement. Il arrive au moment où plus rien ne va dans sa vie. Sa conjointe vient de le mettre à la porte, sans le sou. Sous l’apparence d’un écorché vif, il caresse un rêve : devenir un musicien célèbre et d’être la vedette d’un spectacle au Madison Square Garden.

Le roman de Christian Mistral « Vautour » raconte l’histoire de ce nouveau colocataire qui deviendra peu à peu l’ami de l’auteur. Un lien d’amitié sincère finit par les unir au point que Mistral a beaucoup de peine à la mort subite de Vautour. Il consacre son livre en souvenir de cet ami « né avec un trou dans le cœur, de la grosseur d’un dix cents ». Très émouvant, car c’est d’un problème cardiaque qu’il décède, à l'âge de vingt-sept ans.

Deux thèmes centraux, L’amitié saine des deux hommes et la méditation sur la mort. Ils sont insérés dans une structure habile séparée en quatre parties. A posteriori : la mort de Vautour. À priori : écriture du livre de son colocataire qui est une ode à l’amitié. À présent : le lecteur est captivé par ce livre exubérant et finalement : Adieux. Cependant, le roman qui devait être écrit en souvenir de Vautour se transforme en autobiographie. L’auteur profite, du récit interactif, pour se raconter : ce que les gens pensent et disent de lui semble de première importance. On s’étonne également des quelques renvois à lui-même, comme pour se justifier : « Ils vont dire, qu’en fait, c’est à moi que j’écris ». Malgré ces passages superflus, force est d’admettre qu’il est un écrivain original. Quiconque désire imiter son style, y arrivera difficilement, tant il est unique en son genre. Grâce à son lyrisme, aux mots recherchés, aux expressions qui surprennent parfois et une générosité de métaphores, il en a fait un livre intéressant.

Je termine sur une réflexion de Chistian Mistral : «C'est la mort, qui délivre Vautour de la tragédie de la désillusion». La désillusion est pire que la mort, semble dire l’auteur, c’est sans doute cet état d’âme qui l’habite, en écrivant «Vautour».

Saumar - Montréal - 91 ans - 6 octobre 2012


A-t-on idée? 9 étoiles

Christian Mistral n’est plus un jeune écrivain prometteur. À 39 ans, il est déjà un mythe comme le titrait Le Devoir (http://www.ledevoir.com/2004/07/03/58207.html). Marginal, il l’est sans doute, comme tous les grands écrivains. Cela n’empêche pas qu’il soit le grand mal-aimé des écrivains québécois. « Une face à fesser dedans » comme on dit au Québec. Il ne s’en porte pas plus mal, il est vrai. Il prend même manifestement plaisir à cultiver sa marginalité, ce qui n’est pas toujours bien vu dans notre petit Québec bien frileux.

Écriture baroque qui ne craint pas la logorrhée verbale, certes. Écriture puissante, inventive. Jean Ricardoux opposait dans les années 1960 les romans qui mettent en scène le récit d’une aventure à ceux qui proposent l’aventure d’une écriture. Vous aurez compris que Vautour appartient à la seconde catégorie. Tout tient dans l’écriture, une écriture foisonnante, libre.

Bien sûr, il ne raconte pas de belles histoires ! Ces personnages souffrent devant nous ! Quelle horreur ! A-t-on idée ? Ils souffrent et, parfois, ils crèvent, les salauds ! S’il fallait exclure tous les écrivains qui racontent les ratés de la vie, le ciel serait bien dépeuplé. En plus, le salaud, il se met prétentieusement en scène. Son personnage principal porte son nom ! Quelle horreur, quel manque de pudeur ! A-t-on idée ?

Vautour demeure sans doute son plus beau livre. Il se raconte et il raconte son amitié pour un musicien malade. Touchant, profond, essentiel. Un écrivain québécois à découvrir.

Vigno - - - ans - 17 mars 2005


Vivre d'amitié 7 étoiles

Voici un roman fort intéressant sur une amitié saine et lucide entre deux hommes. Mistral porte une grande attention à ses relations avec autrui. Le passage cité par Aaro résume très bien les sentiments de l'auteur : "J’ai guère de peine, parce que c’est pas triste, c’est juste con. Nul ne m’était plus cher que lui, et nul ne m’était moins cher que lui, je ne grade pas mes émotions."

Christian Mistral est en train d'élaborer une oeuvre autofictive qui montre très bien l'état d'esprit de ceux qui sont nés dans les années 60. Les auteurs connus nés dans cette décennie semblent très préoccupés de leur présence dans notre monde. On pratique davantage à son égard un repliement qu'une ouverture. Ce qu'il ait à retenir du contenu de son oeuvre, c'est l'implication amicale qui nous fait oublier les beuveries et la forte libido de l'auteur. Le personnage n'est pas loin de ressembler aux héros de Réjean Ducharme, sauf que Christian Mistral soigne son image en se donnant comme écrivain.

Certains chroniqueurs le considèrent comme l'un des meilleurs du Québec. Il me semble qu'il y ait un peu d'esbroufe dans son écriture pour se faire pardonner l'utilisation de l'oralité. Quoi qu'il en soit, c'est un auteur intéressant, mais très narcissique à l'image de sa génération. Pour dégongler sa "baloune" (ballon), il serait bon de lire Baisée, le roman de son ancienne amante, Marie Raspberry.

Comme conclusion, lisez celle d'Aaro-Benjamin. J'en fais mienne.

Libris québécis - Montréal - 82 ans - 24 janvier 2005