La place de l'Étoile
de Patrick Modiano

critiqué par Palorel, le 21 janvier 2005
( - 44 ans)


La note:  étoiles
Kaléidoscopie d'un juif errant
C’est à 22 ans que Patrick Modiano a écrit « La Place de l’étoile », son premier livre(il sera publié un an plus tard, en 1968).Le succès fut immédiat (Prix Roger Nimier et Prix Fénéon 1968).
« La Place de l’étoile » raconte les aventures délirantes d’un jeune juif, Raphaël Schlemilovitch, qui connaît un nombre incroyable d’existences contradictoires : juif antisémite, amant d’Eva Braun, il ne cesse cependant de clamer un judaïsme anti-aryen. « Visage humain composé de mille facettes lumineuses et qui change sans arrêt de forme », comme dans un kaléidoscope (d’ailleurs son père est président-directeur général de la Kaleidoscope Ltd.)il traverse le temps et l’espace à un rythme effréné, montrant qu’il est impossible d’avoir une identité juive cohérente.
Violent, incroyablement provocateur, souvent drôle aussi, ce livre a de quoi dérouter le lecteur de « Rue des boutiques obscures » ou de « Villa triste ». Modiano donne l’impression de s’exprimer sans aucune retenue, de s’amuser même (il parodie les plus grands écrivains :Proust, Voltaire…). A posteriori, cela peut surprendre. On dit souvent que Modiano écrit toujours le même livre, mais s’il y en a un qui est un peu à part, c’est bien « La Place de l’étoile ». La preuve :

« Maintenant, parlons de vous Schlemilovitch ! Ne perdons pas de temps ! Vous êtes juif ? Je suppose que vous aimeriez violer une reine de France. J’ai, dans mon grenier, toute une série de costumes ! Veux-tu que je me déguise en Anne d’Autriche, mon ange ?Blanche de Castille ?Marie Leczinska ? Ou bien préfères-tu baiser Adélaïde de Savoie ? Marguerite de Provence ?Jeanne d’Albret ?Choisis !Je me travestirai de mille et mille façons ! Ce soir, toutes les reines de France sont tes putes!… » (p.130-131)
Fou, grave, drôle, profond 8 étoiles

Pas facile d'entrer dans ce roman fou, grave, drôle, profond, déjanté, désespéré, léger, terrifiant... Les 200 pages pourraient lasser au bout d'un moment, quand on en a compris le principe. Plusieurs passages sont un régal de drôlerie cynique. J'ai aimé la rencontre avec le père, cette complicité immédiate exempte de tout ressentiment et tout reproche, cette distance bravache lorsqu'ils repartent chacun de leur côté. Les personnages historiques et les auteurs de la littérature française peuplent l'histoire comme une multitude de figurants ou de seconds rôles. Modiano nous jette à la figure tout à la fois la difficulté d'être juif, la cruauté des hommes et son amour de la culture française.

Valotte - - 60 ans - 18 septembre 2016


Point trop n'en faut... 6 étoiles

Une histoire pour le moins étrange. Assez vite, on perd le fil et pourtant l'effet global n'est pas négatif. Disons que c'est une lecture originale. Heureusement le roman n'est pas trop long car il pourrait finir par lasser.

Justine J - - 38 ans - 22 mars 2013


Le kaléidoscope d'un Juif errant 8 étoiles

Pour fuir la traque de la mainmise antisémite de l'Allemagne sur l'Europe, ce jeune Juif en fait le tour en changeant d'identité et d'activité principale, de la Guyenne à la Savoie, puis à Vienne, en passant par les bras... d'Eva Braun, en se faisant passer un temps, dans l'un de ses rôles ou micro-vies, pour un antisémite notoire.
Ce roman est bien violent et provocateur, tour à tour, tout en étant empreint d'ironie et de l'auto-dérision du narrateur, qu'est le personnage principal, ce qui en accroît la force.

Il permet une prise de conscience, à une époque où le sujet est encore quelque peu tabou. Il peut être complété, sur le même thème, par le film Partir revenir, de Claude Lelouch.
Le sujet est bien traité ; et j'ai apprécié ce cynisme quelque peu forcé de l'homme poursuivi qui joue du système qui le condamne arbitrairement. Ce roman est donc bon, à condition d'avoir précisément en tête les tenants et aboutissants du contexte, à rappeler préalablement pour les jeunes lectrices et lecteurs.

Veneziano - Paris - 46 ans - 8 septembre 2012


Impossible d'entrer dans ce livre 2 étoiles

Les critiques de Palorel et Soleada décrivent bien le contenu de ce livre. Contrairement à eux je suis incapable de rentrer dans ce délire qui, pour moi, n'a ni queue ni tête. C'est un "exercice littéraire" qui peut intéresser ceux qui aiment les mots pour eux-mêmes. Ce n'est pas mon cas, un tel livre ne m'apporte rien.

Falgo - Lentilly - 85 ans - 18 février 2010


Joyeux bazar juif 8 étoiles

Il faut aimer le style de Modiano, c'est assez spécial. Cependant je n'ai pas retrouvé la même écriture que l'auteur de "Dans le café de la jeunesse perdue", peut être Palorel a raison, ce roman là est à part.
J'ai l'impression que Modiano a écrit en une seule fois, il a déposé son imagination, sans enlever la qualité à cette oeuvre, bien évidemment. Le roman me semble rapide, avec toutes ses vies, ses opinions sur le judaïsme qui défilent, qui parfois même nous perdent.
Je ne sais pas si Modiano a voulu dénoncer quoi que ce soit. Je dirais simplement que ce roman rend compte du difficile rapport au judaïsme, du paradoxe, dû à la shoah, à la collaboration, à Israël... N'oublions pas que le père de Modiano est de confession juive, peut être cela a-t-il joué un rôle dans l'élaboration de cette oeuvre?
Si vous ouvrez ce livre, ne vous attendez à rien de conventionnel, mais lisez le, l'auteur le mérite.

Soleada - - 35 ans - 2 octobre 2008