Où s'adosse le ciel
de David Diop

critiqué par Pucksimberg, le 9 septembre 2025
(Toulon - 45 ans)


La note:  étoiles
Faire perdurer son passé par la parole
Fin XIXème siècle, Bilal Seck est sur le retour de son pèlerinage à la Mecque, mais se voit ralenti par une épidémie de choléra. Son ami et maître craignant qu’il le contamine l’abandonne. Bilal échappe à la maladie, ce qui surprendra un médecin français qui essaiera de comprendre ce qui lui a permis de se protéger. De plus, il est le soixante-treizième griot de sa lignée, sa parole est donc capitale puisqu’il incarne la mémoire de sa famille et il doit transmettre cette richesse à une autre personne pour que leur histoire ne se perde pas dans les méandres de l’oubli. Parallèlement au retour de Bilal, le lecteur suit un épisode très ancien dont se souvient Bilal, celui du voyage d’un groupe d’Egyptiens vers le Sénégal, conduit par Ounifer, grand prêtre d’Osiris. Ce départ vers un bel horizon met en scène divers personnages en proie à des rivalités, des trahisons et des vengeances. Et puis, il y a Sekhsekh, le scribe des origines qui souligne la filiation avec Bilal.

Ce roman mène de front deux récits à deux époques différentes. L’histoire de Bilal est plus simple à suivre car elle contient moins de personnages et cette figure de griot exerce un certain intérêt auprès du lecteur. La seconde intrigue demande plus de concentration, parce que les personnages sont plus nombreux et aussi parce que le lecteur est sans doute moins familiarisé avec ces personnages et divinités. Le lecteur voyage donc dans le temps et dans le nord de l’Afrique. D’ailleurs une carte est intégrée dans le roman pour suivre ce périple. Bien que j’aie trouvé moins romanesque ce roman que les précédents textes de David Diop, « Là où s’adosse le ciel » contient des passages marquants et presque cinématographiques tant ils sont visuels comme cette scène où un personnage est emporté par un crocodile ou tout simplement le dernier chapitre. Les personnages aussi apportent de l’épaisseur au roman, ce qui est dû à une intrigue bien ficelée avec des relations parfois troubles, des méfiances entre les divers groupes présents lors de ce voyage et des rebondissements propres au genre romanesque.

Il y a tout de même des longueurs parfois, des moments où l’attention est moins accrue. Il m’a fallu du temps pour entrer dans le roman. En fait, certains points culturels ont parfois pris le pas sur le caractère romanesque et c’est sans doute ce point qui m’a moins emporté que d’habitude. J’ai malgré tout pris plaisir à suivre ces personnages dans des pays fascinants. Le nom même de ces villes témoigne d’un certain exotisme et invite au voyage et à la découverte. Le titre du roman aussi est beau et stimule notre imagination. L’expression contenue dans le titre est souvent présente dans ce roman pour désigner l’endroit où le groupe d’égyptiens pourra s’établir. A sa façon, David Diop devient lui-même un griot en racontant ces épisodes comme s’il permettait au lecteur , par sa plume, de découvrir des univers et un passé desquels nous ne sommes pas familiers.

Cette quête des origines est éclairante et donne toute son importance au rôle de griot. Le récit ancré dans l’Egypte antique peut rappeler les épopées, avec ses héros et ses dieux, avec ses explications sur les origines d’un peuple ou d’un monde. « Là où s’adosse le ciel » est un roman ambitieux, dépaysant et reposant sur une belle langue travaillée.