Berceuse assassine : L'intégrale : Tomes 1 à 3
de Tome (Scénario), Ralph Meyer (Dessin)

critiqué par Nothingman, le 21 janvier 2005
(Marche-en- Famenne - 44 ans)


La note:  étoiles
plongée dans la haine ordinaire
Joe Telenko a 45 ans. Légèrement alcoolique et cardiaque, il arpente les rues tumultueuses de New-York avec son taxi. Certainement pour oublier l’enfer quotidien passé auprès de son épouse Martha. Lorsqu’il rentre chez lui, c’est pour la retrouver elle et son fauteuil roulant. Martha est en effet paraplégique depuis le jour où Joe a loupé un virage sous l’emprise de l’alcool.
Martha n’avait qu’un rêve : la danse. Il ne lui reste plus maintenant qu’un rêve brisé qu’elle rumine seule dans sa chambre en attendant son imbécile de mari, responsable de cet enfer quotidien. Martha hait Joe depuis ce jour sinistre où elle a perdu, par sa faute, l’usage de ses jambes. Et Joe hait Martha depuis le jour sinistre où il a dû s’occuper de sa femme devenue froide et manipulatrice. Pour tous les deux, un seul objectif : se débarrasser de l’autre. Par tous les moyens…
« Berceuse assassine » est une série en trois tomes qui racontent tous la même histoire, mais vécue sous des perspectives différentes. Le premier volume nous entraîne dans l’univers glauque et sordide de Joe. Le deuxième est consacré à la vengeance de Martha et le troisième réserve une surprise de taille pour le lecteur.
Tome, le scénariste de Soda, imagine ici un scénario résolument noir et violent, à placer entre « Taxi Driver » et les meilleurs films de Quentin Tarantino. Meyer, quant à lui, se met au diapason de ce thriller en imprimant une identité graphique forte dont ressortent surtout deux couleurs : le jaune et le noir.
Cette berceuse brutale vous tiendra éveillé un bout de temps. Plutôt paradoxal, non ?
les différents points de vue de la haine 9 étoiles

Je découvre la formidable trilogie de Berceuse Assassine environ 10 ans après qu'elle ait été entamée et je n'ai qu'un regret : ne pas m'y être plongé plus tôt. Excellentes bd's qui surpassent en intensité ce qu'on peut lire d'habitude.

Trois points de vue sur la même histoire ballotent le lecteur de la sympathie pour un personnage à son rejet total. L'être victime des événements devient dans un autre tome l'être le plus abject qui soit. Et c'est ce qui fait la force et l'originalité de Berceuse Assassine : l'intensité et la diversité des points de vue. Qui détient la vérité ? Le coeur de Telenko, les jambes de Martha ou la mémoire de Dillon ? Il en détiennent certainement une partie, chacun à leur manière. Et c'est ce qui rend Berceuse Assassine encore plus authentiquement génial : il montre que la vérité n'est pas unique et qu'elle est une affaire de perception personnelle. Rassurez-vous, il ne s'agit pas d'un essai philosophique mais d'une simple bd. Mais le fait est que l'intelligence et la maestria de l'intrigue l'élève bien au dessus de ce qu'on peut lire d'habitude.

Bravo à Tome. Bravo aussi à Ralph Meyer qui donne l'épaisseur haineuse et tragique aux personnages dans un New-York de la solitude et de la violence qui rend le tout encore plus angoissant.

B1p - - 51 ans - 6 mai 2006