Coma, N° 5553 : Auschwitz
de Françoise Maous

critiqué par Clubber14, le 3 septembre 2025
( - 34 ans)


La note:  étoiles
bouleversant
Extrait du livre :

Nous sommes surveillées aujourd’hui par un Kapo féroce et sadique. Quand il commence à battre une femme, il ne peut plus s’arrêter. Il bat en poussant des cris sauvages, ce spectacle est effrayant. Je vois la brute s’arrêter devant Line qui est aujourd’hui à l’autre bout de la table. Il la dévisage, saisit la natte et tire, je tremble, elle a cassé, il prend Line par le bras et l’amène au milieu du bloc, je claque des dents et ne pouvant rien faire… Mais elle ne tremble pas, elle le regarde, elle est bien plus grande que lui qui est un misérable avorton.
Après l’avoir injuriée, il commence à frapper, son poing fermé, les coups tombent sur le petit visage, sur le corps amaigri, il s’acharne, il veut qu’elle tombe, le sang coule. Un coup à droite, un coup à gauche, Line oscille tel un balancier, mais elle ne tombe pas. Elle ne pousse pas un cri, c’est moi qui gémis tout haut, ne pouvant plus supporter ce spectacle ! J’étouffe, que cela cesse, que cela cesse… C’est fini, il en a assez.
“Retourne à ta place.”
Line obéit, la tête haute, son visage est méconnaissable, bleui, sanglant, tuméfié, mais sa démarche est ferme

Mon avis :

Ce livre est déchirant, la véracité des faits, rendus crus, le rend gênant mais il est indispensable de le lire.

Françoise Maous a écrit ce livre en 1946, à peine quelques mois après être sortie du camp de concentration et d'extermination de Birkenau (Auschwitz étant celui des hommes, à 4 km de celui des femmes). Elle a écrit ce livre car elle en avait besoin, c'était une obligation, elle voulait exorciser l'année qu'elle avait vécue dans ce camp de la mort, ce camp de l'enfer. Elle y est entrée en 1944 avec son mari, l'amour de sa vie, qu'elle ne reverra jamais....

L'écriture est puissante car elle vient du cœur, ce n'est pas un roman et ce n'est pas une écrivaine. C'est une tranche de vie, un témoignage, comme il en existe beaucoup, d'une femme banale, d'une juive que les allemands ont retiré à ses proches, dans un village isolé de France et traînée dans les camps de l'enfer. Cette femme a réussi à sortir de l'enfer, c'est une battante, une force de la nature au sens physique comme combatif. La volonté qu'il lui a fallu pour tenir, jour après jour, avec presque rien pour se nourrir, aucun vêtement si ce n'est une chemise de nuit, dans le froid de l'hiver polonais, les maladies récurrentes, les sévices physiques et psychologiques des nazis, font d'elle une femme exceptionnelle.

Je ne vais pas résumer tous les sévices et toutes les horreurs qu'elle, et tant d'autres, ont vécus dans ces camps, il faut le lire pour le croire. Et en le lisant j'ai eu les larmes aux yeux.

Et ce qui est terrible c'est la temporalité de ma lecture. Je le lis en septembre 2025, près de 80 ans après le calvaire qu'ont vécu des millions de personnes, principalement juives mais pas uniquement, et de voir qu'aujourd'hui, en 2025, l'antisémitisme explose autant un peu partout dans le monde est tout simplement insupportable. Le devoir de mémoire porte bien son nom, nous devons nous souvenir.

Un livre que je conseille à ceux qui cherchent des témoignages de vie sur cette époque noire et qui ont le cœur bien accroché.