L'histoire de Chirac
de Éric Holder

critiqué par Sahkti, le 20 janvier 2005
(Genève - 50 ans)


La note: étoiles
Sous le soleil de Chirac
J'ai d'abord cru, comme beaucoup sans doute, à une nouvelle biographie de Chirac. Si ce dernier m'est sympathique via son personnage des Guignols, il en va tout autrement, pour moi, dans la réalité et je n'avais guère envie de me farcir une hagiographie du Président. Heureusement, ce n'est pas du tout de ça qu'il s'agit. Holder nous raconte l'histoire d'un village d'environ 600 habitants en Lozère.
Ari Mendel est un jeune historien dont le premier vrai boulot rémunéré consiste à rédiger un fascicule sur le village dénommé Chirac. En apparence peu passionnant, ce travail enthousiasme pourtant le jeune homme qui va enfin pouvoir se consacrer à ce qu'il aime, contre monnaie sonnante et trébuchante, ce n'est jamais négligeable.
Oui mais voilà, ce petit village est tout sauf tranquille et notre jeune ami ne tarde pas à l'apprendre grâce à l'intervention intempestive de plusieurs habitants du fief, lui dévoilant tous les petits secrets. Eric Holder profite de l'occasion pour nous offrir des portraits surprenants et hauts en couleurs sous les traits de Bastide Florian (un petit loubard de campagne), de Cabassol (un sans logis qui sait tout sur tout le monde à Chirac), du commissaire Leone, de Stéfani, de Bambi et d'autres témoins de la vie du village. Il y a des intrigues, un parler vrai, un peu de sexe, la police, le soleil, la terre, la chaleur de la campagne, autant d'ingrédients qui fournissent un succulent roman, parfois un peu confus mais que je vous conseille bien volontiers pour une lecture détente qui fait du bien.
D'abord une écriture 7 étoiles

Pour moi, ce livre fut la découverte d’une écriture parfaitement maîtrisée, d’un ton sans doute. L’intrigue, policière, le parcours initiatique du jeune homme chargé d’écrire une plaquette sur le village, bof. Mais la sensualité dans le rendu des corps, des paysages, oui.
Donc je me suis fichu de ce qui arrivait aux personnages, le nez collé sur chaque phrase, ne cherchant pas à voir plus loin...

Quelques exemples :
« Quand elle récupérait ses esprits, Julia voyait son propre cul. Si elle se retournait : loin, en bas de son dos. Rond. Et blanc. »

Quatre phrases pour une idée qui ne s’arrêterait pas de prendre forme.

« Il introduisit l’extrémité de son majeur à l’entrée du trou et sentit tout autour l’endroit où il ferait bon, pour Julia, aller et venir . »

L’importance de ce « pour Julia » qui donne tout son poids, son balancement à la phrase.

Cette autre organisation des mots: « Ils mirent le vélo dans la voiture, qui semblait faite pour lui, avec ses banquettes ôtées."
Alors qu’on aurait plus communément pu écrire: « ...dans la voiture qui, avec ses banquettes ôtées, semblait faite pour lui. »

Et « Il aimait les baroufs de livres, de papiers autour et au-dessus des tables de nuit ... » Pour ce mot, barouf.

Les images: la nuit qui se forme, le vent qui se constitue en rafales, « les yeux sur le reposoir de l’horizon ».
Le « j’adorerais vous lécher » que se promet d’essayer dans son prochain cocktail Beigbeder, l’émerveillé récent directeur de chez Flammarion qui, par sa lettre de château, comme il l’écrit - reproduite en partie en 4ième de couverture -, et, sous couvert de diverses amabilités, prend possession de son nouveau domaine dont il semble s’étonner qu'il comprenne autre chose que des bien mobiliers : des écrivains avec des livres et une oeuvre.
« En conclusion de cette lettre de château, je dirai que c’est un fameux hasard de se retrouver l’éditeur d’un roman aussi étincelant. »

Kinbote - Jumet - 65 ans - 28 août 2005