Le pays des ombres
de Louis Owens

critiqué par Heyrike, le 20 janvier 2005
(Eure - 57 ans)


La note:  étoiles
Le sens de l'humain
A l'époque où le Dust Bowl faisait rage, leurs pères, accompagnés de Grand-père Siquani, quittèrent le territoire Cherokee (Oklahoma) pour venir s'installer au Nouveau Mexique. Ils rachetèrent le ranch d'une famille Mexicaine autrefois prospère et le divisèrent en deux. Les deux hommes se marièrent et eurent chacun un fils qu'ils prénommèrent tous les deux William. Alors âgés d'une trentaine d'années, Willy et Billy perdirent successivement leurs parents de façon tragique.

Willy vit seul depuis que sa femme l'a quitté, lassée de vivre dans ce coin reculé de tout, où la désolation règne depuis l'assèchement des cours d'eau. Billy, quant à lui, s'accommode de liaisons passagères. L'activité de leurs ranchs n'étant plus qu'un souvenir lointain, les deux hommes subsistent en effectuant des petits boulots chez leurs voisins. Difficile pour eux d'envisager une existence ailleurs que sur cette terre, mémoire de leur enfance et des rêves de leurs pères. Seul le temps et l'espace parviennent vraiment à définir l'équilibre fragile de leurs vies, immergées dans les vastes paysages que dessine l'horizon lointain. Comme beaucoup de sang-mêlé, ils ne sont jamais parvenus à s'identifier totalement à la culture Indienne (Cherokee), malgré les légendes racontées par Grand-père Siquani, qui perpétuent la mémoire des ancêtres, ni à celle des blancs d'ailleurs.

Lors d'une partie de chasse, Billy a soudain la vision d'un homme tombant du ciel et s'empalant sur un arbre. Au pied de l'arbre une valise contenant un million de dollars. Sur le chemin du retour, ils sont assaillis par des hommes en hélicoptère. Ils réussissent à les éliminés, désormais ils devront être en permanence sur leurs gardes.

Ils planquent le fric et décident d'attendre de voir ce qui ce passe ensuite. Pendant ce temps, Grand-père Siquani accueil le fantôme de l'homme tombé du ciel et l'invite à partager une partie de jeu de dame. Il entreprend de le guider dans son voyage vers le pays des ombres à l’aide de la vieille médecine Cherokee.

Sur fond de thriller, l'auteur développe le thème de la perte d'identité culturel (et spirituel) à travers l'histoire de deux sangs mêlés qui vivent intrinsèquement le perpétuel conflit inhérent à l'opposition de deux cultures, dés lors que le plus fort a achevé le processus de déculturation du plus faible. Pour le dealer Navajo la revanche a pris la forme de la drogue, ultime procédé d'éradication les blancs de la terre de ses ancêtres. Tandis que la belle Apache empreinte la voie du serpent pour ranimer l'ancien feu des guerres Indiennes.




Ce roman qui mélange intelligemment les genres, se développe au rythme d'une légende indienne, stigmatisé par l'histoire d'une nation conquise et errante. Louis Owens faisait parti des grands auteurs Amérindiens. Il écrivait pour maintenir l'Indianité hors du chemin parsemé d'ornières des vainqueurs. En traduisant avec justesse l'état de profonde déréliction des Amérindiens dans une société amnésique de son histoire, il exprimait parfaitement leurs mal-être et leurs espoirs. Il s'est suicidé en 2002, j'en ignore la raison, mais je ne peux que regretter son geste car il nous prive définitivement de sa plume magique.


Extrait
Siquani regarda l'horizon en plissant les yeux puis les ferma complètement.
_Marche partout autour de toi, Petit-fils. Ecoute ce que les animaux disent. Ecoute ce que le vent te raconte, écoute les Tonnerres. Ils disent que c'est le moment de danger. Bientôt il sera trop tard. Toi et Will, vous êtes dans une forêt profonde, Petit-fils, exactement comme ton père et celui de Will. Je pouvais rien faire à ce moment là non plus.
_Je suis un peu perdu, là, Grand-père, mais tu devrais peut-être pas être autant contre les blancs, puisque je le suis à moitié.
_De quelle moitié tu crois qu'il s'agit ? demanda le vieil homme d'un air sérieux. Si t'avais de la chance, ça serait la moitié du bas qui serait indienne parce qu'y a pas meilleurs amants que nous, les Indiens. C'est pour ça que toutes ces femmes blanches, elles étaient tout le temps à venir en cachette dans nos villes, et après, quand elles se faisaient rattraper, elles disaient toujours qu'elles avaient été enlevées. Si t'avais pas de chance, ça serait la moitié du haut, parce que tu serais toujours à penser à comment on leur a tout volé, aux indiens. Si t'étais blanc en haut et Indien en bas, ta partie de haut pourrait voler l'argent de tout le monde et ta partie du bas pourrait voler leurs femmes.
Billy frotta la cambrure de son pied sur son jean et sourit au vieillard.
_Et bien tu sais, Grand-père, moi, j'ai comme l'impression que ça me coupe en deux par le milieu, depuis le haut jusqu'en bas
_C'est vraiment dommage, Petit-fils, parce que comme ça, tout ce qu'on fait c'est tout le temps se battre contre soi-même.
A lire!!!! 7 étoiles

tres bon livre je vous le conseil

http://www.magicien-animation.com

Max2000 - - 48 ans - 21 janvier 2005