Simbulu
de Xavier Dandoy de Casabianca

critiqué par Eric Eliès, le 17 août 2025
( - 51 ans)


La note:  étoiles
Une poésie subtilement chargée d'amour et d'attente mystique
« Simbulu » est une mince plaquette d’une vingtaine de courts poèmes et deux photographies, qui commence au 4ème de couverture, que je recopie : En arrivant un jour d’hiver, une racine bouge dans l’obscurité. C’est la queue d’une renarde qui s’est coincé dans l’arbre. Soudain, tout symbolise.

Simbulu… oui, mais de quoi ? Ce recueil se lit en une quinzaine de minutes, puis se relit et se relit encore car les symboles ne sont pas donnés. Néanmoins, on comprend la sidération du poète, corse dans une maison isolée, face à la coïncidence de se trouver là, à l’instant et au lieu précis, où le renard (« toi le guerrier de toujours, le rusé malin ») a été pris au piège d’un tronc bifide et ne parvient plus à dégager sa tête… Est-ce un aléa, un hasard ou une conjonction de forces et de liens qui soudain se révèle ?

Puis que se passe-t-il dans une journée aux aléas ?
La nature dit déjà oui de toute part. Ne prévient pas, ne dit par où elle va commencer.
***
Je me trouve là, ce jour-là par hasard. Mais à force de se trouver ce n’est plus toujours le hasard. Renard.

Dans ce monde, l’auteur (poète, éditeur et typographe) cherche des signes, les aperçoit comme des navires au loin emportant une « déesse à la Duits » ou des astres indécis (« A l’aube un astre est là / mi-lune mi-soleil / on ne le discerne pas / soleil pâle ou lune jaune »), et explore des seuils, des passages, des portes à ouvrir (« Ouvrier poétique / Aie su que le reste existe / Change l’être inexistant / Heurte trois fois que les battants s’écartent »). Il se sent proche du renard, qui fut retenu prisonnier puis délivré (renard roux, comme sa compagne) mais d’autres n’ont pas cette chance, comme cette sauterelle découverte morte dans le café au matin ou la petite souris coincée dans le grille-pain, qui périt au matin.

Ce matin, chez elle
Du bruit dans le grille-pain

C’est une souris
oh non !
Qui choisit ici sa mort et mon effroi.

Et moi du coup,
Ces yeux noirs qui me scrutent
Et cette chair chaude et brûlée
Qui n’auront pas la chance de la renarde
Je n’ai plus faim ni pain
Sous la stupéfaction de la mini-mourante

Le monde est violent et injuste. Le poète l'accepte avec fatalité et non sans humour, faisant surgir dans le recueil la figure de Calimero (« espèce : poulet domestique – activité : écolier ») et de Minnie, en interrogeant la souris :

Ces deux petites sclérotiques de cosmos dont mon « Horreur ! » est le dernier reflet. Que vas-tu garder de cela, Minnie, dans ta chaise électrique ? Et cela sera-t-il seulement inscrit ailleurs en quelque trace ? (à part ici sur cette page) ?

Pourtant, au-delà de l'épouvante, tout est lié dans la beauté et la plénitude du monde, qui traverse le flux des siècles. Le poète, qui a effectué plusieurs séjours dans des ashram en Inde, invoque la philosophie orientale, de manière très large (évoquant le yin ou le dieu Mithra, régénérateur et ordonnateur de l’ordre cosmique) et non seulement des concepts hindouistes. Pour le poète, c’est dans l’oubli de notre frénésie, dans l’abandon à la prière et dans le sentiment de tout ce qui nous unit au cosmos et aux êtres proches (le recueil est plein d’allusions à une compagne aimée), que nous parviendrons réellement à être au monde, à surmonter la distance spatiale ou par-delà « les âges insoupçonnés d'être atteints », et que tout nous sera rendu (« tout revient / par temps calme / c’est sauvé c’est là / en elle et moi ») pour atteindre une paix aimante.

Brise amie de fenouil
mains chargées de yin
œil de quark
peau, thé
***
Dire que nous sommes sur la même longueur d’âmes
non
nous sommes de la même onde
qui s’origine l’un à l’autre
***
(…) Mithra vibre (…)
***
Comme la renarde, des milliers ont cherché à passer le cap, et comme des âmes en peine sont des âmes en peine. Ne reste pas là sans rien faire. Fais quelque chose. Prie. Embrasse-moi.