Du Gang au Gong
de Gilles Capelluto

critiqué par Laurent.Hennequin, le 31 juillet 2025
( - 42 ans)


La note:  étoiles
Du chaos à la clarté, un roman initiatique au souffle rare
Il est des romans qu’on lit d’une traite, happé par la puissance du récit, la densité des personnages et la musique du style. Du Gang au Gong est de ceux-là. Gilles Capelluto signe ici un récit haletant, profondément humain, entre polar social, roman d’apprentissage et fable philosophique. Loin des clichés sur la violence urbaine ou l’exotisme facile, il nous offre une plongée viscérale dans les entrailles de Bangkok et de l’âme humaine.

Le roman suit le destin d’Anand, né dans un marché flottant sous une pluie lourde, accueilli par un moine qui, d’un petit gong, marque l’entrée d’une vie vouée à la transformation. De l’enfance dans les bidonvilles à l’engrenage des gangs, puis au chemin intérieur vers la paix et la discipline martiale, chaque chapitre est une strate, une mue, un pas vers un éveil douloureusement conquis.

L’écriture est tendue, précise, vibrante. Elle épouse les pulsations de la ville, les silences du deuil, les secousses de la colère. On ressent physiquement les combats, on entend les gongs résonner au fond de nous. L’auteur ne moralise jamais. Il observe, il raconte, il rend compte, et c’est là sa force. L’émotion vient sans pathos, la beauté surgit d’une scène de rue, d’un geste fraternel, d’un regard.

Anand est un personnage inoubliable, complexe, à la fois victime et acteur de sa destinée. Autour de lui gravitent des figures finement ciselées : Nok, la sœur courageuse ; Preecha, le mentor toxique ; Kiet, l’ami fraternel. Tous vibrent avec une justesse rare. À travers eux, c’est toute une société invisible qui s’incarne : les enfants livrés à eux-mêmes, les femmes tenaces, les trafics qui remplacent les rêves.

Mais ce roman n’est pas seulement un portrait social. C’est aussi une quête spirituelle. Du Gang au Gong raconte comment, même au cœur de la violence, peut naître une autre voie, celle de la maîtrise de soi, du silence intérieur, de la transmission. Le gong final n’est pas une fin, mais une ouverture.

Un grand livre, profondément humain, qui résonne longtemps après la dernière page. À lire, à relire, à faire circuler.