Géopolitique de l'intimidation: Seuls face à la guerre ?
de Frédéric Charillon

critiqué par Colen8, le 19 septembre 2025
( - 84 ans)


La note:  étoiles
La force de résistance
Ces brusques tournants de la scène planétaire ont pris au dépourvu l’UE et ses représentants. Dans leur esprit la promotion de valeurs démocratiques, d’une diplomatie pacifique de dialogue, de normes sécuritaires et de justice sociale récusant la violence ne pouvait se projeter autrement qu’en modèle à suivre. Entretemps un Sud global(1) s’est déclaré hostile au libéralisme occidental et déterminé à imposer son propre ordre mondial.
Que peut-il rester à l’UE devenue largement minoritaire à l’ONU quand elle ne fait pas figure de repoussoir, menacée de perdre le parapluie américain sans moyens d’auto-défense militaires suffisants à court terme ? Au mépris du soft power antérieur, des traités d’alliance ou de coopération, du droit international patiemment construit depuis 1945, les stratégies d’intimidation hors frontières s’exercent selon trois modes principaux :
- Du fort au faible : c’est d’abord la supériorité militaire incontestable notamment via la dissuasion des puissances nucléaires, le déni systématique de ses provocations, des retranchements derrière le fait accompli, ensuite un pouvoir juridique extraterritorial de coercition techno financière ou même culturelle,
- Du faible au fort : c’est d’une part la politique des nuisances asymétriques en ayant recours à un large éventail de financements possibles pour susciter du désordre directement, par procuration avec l’aide de milices ou de réseaux criminels (attentats, cyberguerre, désinformation, diasporas etc.), de l’autre le recours à diverses formes de déstabilisation allant jusqu’au chantage politique ou à une probabilité de faillite étatique,
- Du fou contre les autres : terme désignant les leaders autoritaires et dictateurs irrationnels en apparence seulement, d’autant moins prévisibles qu’ils se dispensent de rendre compte de leurs échecs à leurs populations civiles dont la violence est elle aussi en forte augmentation.
Les Etats démocratiques de l’UE avec le Royaume Uni face aux intimidations croissantes visant à dissoudre leur puissance pluri centenaire disposent néanmoins d’une panoplie de moyens pour résister à la peur et conserver la maîtrise de leur destin. Ce sont ceux trop souvent sous-estimés en géopolitique que Frédéric Charillon met en avant dans son essai talentueux, bien synthétisé, très documenté, présenté avec clarté et lucidité.
(1) Le groupe des neufs BRICS+ en tête – le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine, l’Afrique du Sud, rejoints en 2024 par les Emirats Arabes Unis, l’Egypte, l’Ethiopie, l’Iran – soutenus entre autres par la Turquie, le Rwanda, de jeunes Etats souverains de l’après colonisation pour les uns, de l’après-Guerre froide pour les autres.