Le baiser de l'ange
de Vincent Vandist

critiqué par Millepages, le 24 février 2025
(Bruxelles - 65 ans)


La note:  étoiles
Incorrigible Marie !
«Sans doute que ça se terminera le jour où elle-même cessera de me raconter son histoire».

Voilà ce que nous confiait l’auteur il y a cinq ans au sujet d’une éventuelle suite à la trilogie La Balade de Marie Moon, Cicatrices et Un beau jour pour mourir.

Il n’imaginait certainement pas à l’époque que cette sacrée Marie allait entreprendre elle-même de raconter ses aventures dans un livre qu’elle prend désormais le temps de peaufiner. Vous ne la reconnaîtriez pas ! Une mémorable séance d’exorcisme au mémorial de Wounded Knee à Pine Ridge, Dakota du Sud (1) l’avait lessivée physiquement et mentalement. Mais surtout apaisée quant aux hallucinations, transes et sensations de cuisson réveillant une vieille cicatrice à la joue, autant de manifestations d’une réincarnation en elle de son ancêtre Hanwi Louta dont elle est aujourd’hui libérée.

Comble de joie, elle a retrouvé Julian. Aussi intense fût-elle, leur relation n’avait pas résisté à l’instabilité émotionnelle de Marie, sa propension à se jeter dans de scabreuses aventures, ses pulsions auto-destructrices, son rapport ambigu avec sa pote Ianis. Mais désormais la clarté s’est faite en elle, et plus rien ne s’oppose à leurs retrouvailles. D’autant qu’Indian Summer les réunit encore un peu plus. Marie réintègre le groupe sans n’avoir rien perdu de ses dons vocaux et instrumentaux, au grand soulagement de Julian et des autres musiciens. On dirait le bonheur !

Profitant de sa présence en Europe lors d’une séance d’enregistrement à Dublin, Marie s’offre une visite à sa chère tante Léa, dans le midi de la France. Elle y retrouve sa moto et, grisée par l’euphorie qui s’est emparée d’elle ces dernières semaines, ne résiste pas à la tentation de la pousser à fond histoire de laisser sur place le SUV qui lui gêne la vue. Une manœuvre imprévue de celui-ci au moment du dépassement…..

……Après six jours de coma, Marie se réveille persuadée d’avoir perdu l’usage de ses jambes. Tante Léa la rassure mais lui annonce dans la foulée une autre perte, celle du fruit de ses retrouvailles avec Julian qui croissait en ses entrailles.

Et voici Marie reprise par ses angoisses existentielles, qui éprouve le besoin de retourner à Wounded Knee pour tenter de comprendre ce qui lui arrive. Cela la remet sur le chemin de Nikita, une tueuse qui avait autrefois failli la supprimer. On lui propose une mission qui consisterait à sauver une vie mise à prix, ce qu’elle voit comme une sorte de réparation à la perte de la vie qui se formait en elle et qu’elle n’avait pas été capable de protéger.

C’est l’embarquement immédiat pour une aventure qui va tourner au polar teinté de fantastique, qui la confrontera avec un douloureux passé où elle était la cible d’un complot pour la déposséder d’un héritage encombrant (2). La mort côtoiera la vie, Marie ne sachant toujours pas laquelle des deux lui fait le plus peur. L’intrigue promènera les protagonistes sur deux continents avec des incursions au parlement européen à Bruxelles, des interventions en sous-main du FBI et fera lâcher de savoureux jurons fleurant bon le Québec dans des situations particulièrement contrariantes : Criss de câlice d’ostie d’tabarnak !
Jusqu’au bout, on s’interroge sur la fameuse Nikita : ange ou démon ?

Ce quatrième opus est débordant d’action, mais aborde aussi plusieurs sujets. Les racines, les peuples premiers, la musique, les rouages des services secrets, l’urgence environnementale, les traces laissées par les guerres très longtemps après leur fin….

Les personnages sont d’autant mieux campés qu’ils deviennent tout à tour les narrateurs, donnant leur propre vision des événements et dévoilant un peu de leur personnalité et de leur sensibilité.
On est partagé entre le souhait de savoir Marie calmée, profitant d’une vie de famille, entourée de ses amis, contribuant à faire prospérer Indian Summer, et la curiosité de savoir dans quelles aventures elle va encore s’embarquer. Après cette tétralogie, jusqu’à quel chiffre grec nous apprendra-t-elle à compter ?
1) In : Un beau jour pour mourir
2) In : Cicatrices