Musique secrète
de Richard Millet

critiqué par Isaacrabbit, le 6 janvier 2005
( - 67 ans)


La note: étoiles
Il y a longtemps que je t'aime
Il y a dans Musiques de Nuit , de Michel Schneider, dans Musique Secrète , de Richard Millet, le même exigeant souci d'user des mots pour dire ce qui leur échappe le plus, le même exercice futile et indispensable, qui est de dire merci à la gratitude.
. La musique, antre de l'indicible, le lieu est commun. Même amour rêvé-rêveur, même identification obligée aux brumes du nord, romantisme atavique ou d'adoption (mais c'est pareil) que l'on sait pouvoir et devoir momentanément dissiper avec un prélude de Bach, le classicisme radieux de Joseph Haydn... ou Ravel... ou Duparc. La musique, entendue, plus encore souvenue, miroir sans teint de notre banal et atroce pathétique. Alors Schumann, bien sûr, Brahms, évidemment...les grands adagios bruckneriens...les musiques du silence et du retrait, profondes et exigeantes compagnes qui peuvent naitre au sud chez un Mompou , quelque part à l'ouest avec un Crump ou un Feldman. Jacques Drillon a écrit un Schubert ou l'Infini du même cru, où le grassouillet petit Franz est notre frère. Musique Secrète est une auto-biographie par la musique, composée plus encore qu'écrite, « écrire n'étant rien d'autre que vivre en étant le musicien de sa propre mort ». Texte exigeant, douloureusement introspectif , voire fouineur, lucidement malade d'une nostalgie dans un même temps hautaine (les quatre ou cinq pages sur la tentation rock à l'âge bête, si justes et si injustes), et accablée... « Qui ne s'est jamais chanté cela sans être bouleversé est indigne de vivre », nous dit Richard Millet des deux derniers vers d'A la Claire Fontaine... Un livre superbe, où les lecteurs pareillement atteints auront le plaisir douloureux de se retrouver...Francois Bon en a écrit un autre, il y a deux ans,autre fouineuse biographie musicale (au fétichisme assumé, le sujet s'y prête), en fait retour sur soi, comme si on se quittait jamais... Ajoutons le à la liste. C'est vrai qu'il ne faut pas tout mélanger, mais bon...