L'itinéraire
de Claude Luezior

critiqué par Débézed, le 6 décembre 2024
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Nostalgie de la ville d'avant
Contrairement à son précédent recueil dans lequel, il évoquait un autre monde, un monde onirique, un monde de sensations, d’impressions, de sensibilité, un monde de l’esprit et des sentiments, Claude, dans ce nouveau recueil évoque un monde beaucoup plus concret dans lequel il aime se balader dans les grandes villes : « Paris, Amsterdam, Fribourg, Helsinki, Vienne ou ailleurs » encore en regardant, écoutant, sentant tout ce qui se passe autour de lui. Mais, plus que ce périple dans les grandes villes, c’est plutôt une déambulations dans les rues, celles de sa ville peut-être, qu’il aime à se promener pour faire du « lèche-vitrine », Ainsi, il décrit de nombreux commerces et ceux qu’ils attirent, des commerces qui racontent la ville qui tend à disparaître, la ville d’autrefois où les commerces spécialisés rythmaient les façades des artères et ruelles. Il les évoque dans des poèmes construits, comme dans les précédents recueils, de vers courts et même souvent très courts :

« Souks et antiquaires, fleuriste, pharmacien et kiosquière sont au rendez-vous d’une folle déambulation ».
« pas d’abeilles / dans l’échoppe / gonflée de parfums // des effluves / leurs soleils // juste des étales / des pétales / en flammèches / des pétales en moisson / et des moissons / en devenir // … » « la fleuriste / est en fleurs ».
« au seuil d’une devanture asiatique / se pourlèche un quarteron de quidams // rouleaux de printemps, canards laqués / riz gluant et beignets sont à l’affût // … »
« Ces religieuses sagement alignées /près de l’onctueuse sainteté d’Honoré // un bataillon de mille-feuilles / et de lubriques cornes de gazelles »
« les croix vertes ont-elles remplacé / les Christ en croix de nos cathédrales ? // qu’importe, on va de suite s’occuper /de votre porte-monnaie bien rempli »
« le marché de style Baltard / pour gourmands et gourmets / mijote d’authentiques saveurs / sur ses stands richement achalandés // … »
« les enseignes / se déploient / tels des étendards / pour clinquantes / guérillas / … »

La rue n’est qu’un véritable marché où se pressent des consommateurs bien conditionnés et pauvres bougres désargentés : « le voici, nomade échoué, sur ce square de province / tout rabougri et sans âge / avec, comme seules boussoles / un chien borgne et une sébile ». Un marché où se rencontraient, avant, tous les talents des artisans et autres quidams habiles de leurs mains comme les horlogers d’antan et quelques animaux domestiques ou presque….

Dans ce recueil, Claude parle aussi des livres et des mots qu’il cite souvent et dont il déplore la mort programmée dans cette métaphore prémonitoire : « le bouquiniste est mort / dans la transparence électrique / d’un écran / hérissé de mégabytes ». mais, il restera toujours l’amour : « … / car l’amour / c’est bien connu / rend aveugle // en tout cas / un peu myope ».

Un texte riche, malgré une certaine épuration dans la ponctuation et les majuscules, qui fait vivre les villes où l’auteur a certainement pris le temps de déambuler comme un poète en quête d’images à écrire.