Le petit berger ou l'intégration perpétuelle
de Ada A.

critiqué par Saint Jean-Baptiste, le 26 novembre 2024
(Ottignies - 88 ans)


La note:  étoiles
Un témoignage exceptionnel.
Ce livre raconte le parcours extraordinaire d’un jeune berger depuis son Afrique natale jusqu’en Europe. Il voulait se rendre en Hollande parce qu’en Hollande il y a des vaches. Mais son parcours s’est arrêté en Belgique et plus précisément à Liège où il a été pris en charge par des bénévoles.
Alors, encore une histoire à faire pleurer Margot ? Eh bien pas du tout ! Le récit de ce jeune réfugié est raconté par lui-même, remarquablement, sans pathos, avec des mots simples et dans toute son incroyable réalité. Il est passionnant.

A six ans cet enfant a été donné par ses parents à un Marabout qui l’a revendu à un éleveur de bétail. Cet enfant est un Peul et donc l’enfant d’un peuple nomade. Les Peuls conduisent leurs troupeaux à travers toute l’Afrique depuis la nuit des temps. Mais actuellement ils sont mal considérés. Ils sont exploités partout où ils passent. Partout ils sont rançonnés. Alors l’enfant doit tirer son plan pour se nourrir, se loger, survivre. Son maître le traite comme un esclave et sa vie est un danger perpétuel. Un jour il décide de s’évader.

Commence alors un périple inouï qui le mènera à travers tout le nord de l’Afrique, à partir du Niger, pour arriver dans les pays du Maghreb où l’exploitation des migrants est systématique et odieuse. Mais ce jeune s’est endurci, il a acquis de l’expérience, il a un flair pour repérer les gens honnêtes, il sait se faire des amis. La langue particulière des Peuls lui sert de carte d’identité ; il s’est lié d’amitié avec des Peuls de rencontre, qui parlent sa langue, et avec qui la solidarité est à la vie à la mort. Et c’est ce qui l’a sauvé d’une mort certaine.
Son périple, en particulier à travers l’Algérie et la Libye, est à vous glacer le sang. Dans ces pays la corruption est partout, dans les institutions, dans la police, et à tous les niveaux de pouvoir. L’exploitation des migrants est organisée en système lucratif et rien ne peut arrêter la cruauté des « passeurs ».

Il est impossible de résumer ce que ce migrant raconte sur une centaine de pages. Mais son périple est aussi édifiant qu’effrayant. C’est à vous porter les larmes aux yeux à chaque épisode de son parcours. Quand on sait que tout ce qu’il raconte est strictement authentique, on ne pourra plus jamais regarder un de ces malheureux sans-papiers, condamné à dormir sur les trottoirs de nos villes, sans une immense compassion. Ce sont des survivants d’une hécatombe. Ce qu’on peut lire quotidiennement dans les journaux n’est qu’un très faible aperçu de la réalité.

Évidemment l’immense problème de la migration n’est pas abordé ici. Il faudrait une bibliothèque entière pour en cerner les causes et encore une autre pour espérer trouver une solution.

Mais, en attendant d’avoir trouvé une solution, ce livre montre aussi qu’il y a sur terre des gens remarquables, des bénévoles, qui s’associent pour rassembler des fonds, trouver des logements, donner une instruction, et favoriser l’intégration de ces migrants qui, après tout, sont nos frères. Ces bénévoles donnent aux autres ce qu’ils ont de meilleur : leur temps.
Ada A, l’auteur du livre, tient d’ailleurs à remercier, avec émotion et sincérité, tous ceux et celles qui l’ont aidé dans son périple. Et c’est la consolation pour le lecteur de voir, qu’à côté du mal absolu des exploiteurs de la misère du monde, il existe encore des gens de bien pour qui tout ce qui touche à l’humain est la première priorité. C’est à ces personnes qui l’ont pris en charge, l’ont instruit, lui ont appris notre langue et l’écriture, que nous devons ce témoignage authentique, sincère et émouvant. Et d’un exceptionnel intérêt.