Je est un autre: Septologie III-V
de Jon Fosse

critiqué par SpaceCadet, le 26 novembre 2024
(Ici ou Là - - ans)


La note:  étoiles
Asle et l’autre ; au soir d’une vie d’artiste(s) - La suite
Ce second volume s’ouvre sur le troisième volet de cette Septologie, enchaînant tout juste là où nous avions laissé, l’interruption tout comme l’intervalle de temps écoulé entre la lecture de ces deux volumes semblant n’avoir pas eu lieu, tant on rentre bien vite dans l’ambiance et surtout dans l’esprit du narrateur. C’est comme si la lecture n’avait été interrompue qu’un instant tant est vive la sensation de retrouver intact l’univers de ce personnage dont l’histoire va continuer de nous être dévoilée.

L’auteur poursuit donc dans la veine entamée, ce récit sur un fil narratif qui va et vient entre présent et passé tout en développant en parallèle l’histoire de ce double, de cet alter ego du personnage principal dont nous avons fait la connaissance à un moment sombre de sa vie.

Bref, le récit reprend dans la nuit du mardi au mercredi, alors qu’à l’issue de quelques allers retours en ville et de quelques nuits malmenées, Asle est enfin de retour chez lui où il tente de se poser et de se reposer. L’automne est en train de céder à l’hiver ; l’exposition annuelle de ses toiles à la galerie Beyer ne devrait plus tarder à se mettre en place ; les repas partagés avec son fidèle voisin Asleik sont au programme ; puis les pensées de notre homme vagabondent et nous entraînent sur la trace de l’adolescent puis du jeune homme qu’il fut, évoquant au passage la mémoire (omniprésente) de Ales, sa compagne décédée, d’Alisa, sa petite sœur morte toute jeune, puis de sa grand-mère, elle aussi partie pour l’au-delà. Il réfléchit également à l’Art ainsi qu’à Dieu. Le récit se referme le jeudi soir, sur une scène qui ne manque pas de susciter quelques interrogations si bien qu’on attend vivement de pouvoir lire la suite.

En près de sept cent pages (version anglaise), quatre jours se sont écoulés, au cours desquels au gré d’un quotidien relativement routinier, cet homme qui aborde la soixantaine nous aura fait partager, parmi ses souvenirs épars, les principaux événements qui ont marqué le premier tiers de son existence.

Cette intimité avec la pensée, avec la vie intérieure d’un personnage nous est dévoilée d’une manière extraordinairement réaliste, au moyen d’un langage simple et d’une narration maîtrisée, le tout servi par cette plume toujours très stylisée que Jon Fosse sait si bien manier. En dépit de l’absence d’intrigue, j’ai été happé tant par la prose que par l’univers d’Asle dans lequel je me suis laissé entraîner sans effort.

Note: lu en traduction anglaise (par Damion Searls)