L'enfant de marbre
de Mohamed Leftah

critiqué par Pucksimberg, le 25 novembre 2024
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
A la recherche de l'enfant mort-né
Le regard du narrateur est arrêté par une tombe sur laquelle ne figure qu’un prénom : Karim. Il y a de nombreuses années il n’avait pas offert de sépultures à son fils mort-né qui portait le même prénom. Est-ce son fils ? Il aborde l’administrateur du cimetière afin d’avoir quelques informations mais ce dernier se montre réticent. Quand il lui annonce qu’il souhaite offrir un tombeau de papier en écrivant sur ce fils disparu et délaissé, cela change la donne. Cet « enfant de marbre » va lui faire rencontrer des personnes simples, passer une soirée au bar où l’alcool coulera à flots. Et il y aura aussi cette femme avec laquelle il parlera, qui deviendra une espèce de médium sous l’influence de ce qu’il a absorbé …

Ce roman de Mohamed Leftah diffère de ceux que j’avais lus. La mort traverse le roman sans tomber dans le pathétique. L’écriture semble le moyen de braver cette fin tragique à laquelle nous sommes tous condamnés. A la gravité de la camarde est contrebalancé l’enivrement qui fait basculer le roman dans le fantastique par le biais d’un ésotérisme suscité par l’ivresse. Le personnage principal pourrait ressembler à l’écrivain qui lui aussi aimait beaucoup l’alcool. Quand on lit ce texte, l’on a l’impression de changer de genre de roman toutes les 30 pages. Le roman semble prendre des directions auxquelles on ne pensait pas, comme si le texte n’avait de cesse de se renouveler et de relancer la machine narrative.

Il y a quelque chose de très plaisant et de séduisant dans le style de cet auteur. On y retrouve un rythme particulier, une gouaille qui est propre à ses personnages, des passages poétiques avec des images peu classiques et un univers qui lui est personnel avec de nombreux marginaux qui semblent vivre dans les bas-fonds des villes. Il y a des personnages qui sont évoqués dans un grand nombre de ses romans et qui traversent son œuvre avec plus ou moins de présence : Warda est évoquée dans plusieurs de ses textes même si c’est dans « Au bonheur des limbes » qu’elle tient le plus beau rôle. Peut-être que l’addition de tous ses textes pourrait constituer tout un univers homogène, comme un Balzac marocain des temps modernes. ( uniquement sur ce point )

Certains de ses romans peuvent avoir un caractère scandaleux, ici ce n’est pas le cas du tout. Le roman semble questionner sur la notion d’identité. En faisant des recherches sur cet enfant mort-né, n’approfondit-il pas en réalité sa découverte de lui-même ?